Des « représentants » de l’Islam de Suisse : vers une politique minoritaire

  • 31 décembre 2018
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Les musulmans se Suisse faisant la Prière

L’Islam, et partant, les personnes d’origine musulmane, quels que soient leurs rapports au religieux, sont constitués en problème dans la sphère publique suisse[1] au croisement de plusieurs temporalités. Une temporalité localisée, en lien avec la médiatisation polémique de différentes « affaires » de port du foulard, d’abattage rituel ou de piscine non mixte. Une temporalité mondiale, suite aux événements du 11 septembre 2001, des attentats de Madrid en 2004, de Londres en 2005, et de l’affaire dites des « caricatures de Mahomet » en 2005. Entre ces deux temporalités, une temporalité nationale se constitue notamment depuis la campagne de la votation sur les naturalisations facilitées des étrangers de deuxième et troisième génération en 2005.

Son point culminant est atteint lors de la votation introduisant la disposition constitutionnelle interdisant l’édification de nouveaux minarets en 2009. La construction de l’Islam et des musulmans en problème engendre une demande médiatique et politique en termes de « représentants » qui seraient aptes à se positionner sur des enjeux qui dépassent la question des pratiques religieuses. A partir de là, l’émergence d’acteurs individuels et collectifs « représentant » l’Islam et les musulmans au niveau national se fait dans un jeu croisé entre acteurs qui sont en quête d’interlocuteurs et acteurs musulmans qui se saisissent de cette demande pour s’ériger en « représentants » des musulmans de Suisse.

La demande d’interlocuteurs « représentatifs » est produite et formulée à partir de différents lieux qui s’accordent sur une définition commune de la question musulmane. Pour les acteurs interreligieux (Conseil suisse des religions, 2006), les médias, le Conseil fédéral et son administration ainsi que pour l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou certains chercheurs[2], cette question s’inscrit avant tout dans un programme qui se dit d’intégration de l’islam et des musulmans. Selon eux, les acteurs musulmans devraient s’impliquer davantage dans la diffusion d’une image positive d’eux-mêmes, de leur religion et de ses pratiques, pour atténuer les craintes de la société majoritaire. A l’échelle nationale se dessine une question « minoritaire »[3],  dont  l’enjeu réside dans les représentations des populations musulmanes par la société majoritaire, et qui se dissimule derrière celle formulée en termes d’ « intégration » : ce sont les acteurs les plus « intégrés » à la société suisse qui devraient s’engager pour   rectifier les représentations stigmatisantes des populations musulmanes.

Les acteurs qui répondent à cette injonction de s’engager en faveur d’une transformation de l’image sociale assoient leur légitimité à « représenter » les musulmans à partir de deux types de positions. Si certains prétendent à une représentation sur la base de regroupements d’associations qui encadrent la pratique religieuse (II—1), d’autres se mobilisent sur d’autres bases : ils prétendent à la « représentation » des musulmans qui ne fréquentent pas de centres islamiques (II—2). Avec l’initiative pour l’interdiction des minarets, le vivre ensemble entre société majoritaire et musulmans de Suisse est négocié au niveau national. En 2010, dans une coordination entre départements, le Conseil fédéral et l’administration fédérale convoquent une quinzaine d’acteurs musulmans pratiquants ou non autour de cet enjeu (II—3).

Représenter les musulmans (pratiquants)

Premièrement, l’idée de « représenter » des musulmans de Suisse à travers des organisations qui s’occupent de l’encadrement religieux remonte à 1989. Depuis lors, les frontières du groupe à représenter sont celles d’une population définie par une pratique religieuse s’inscrivant dans la fréquentation d’une association. Cette initiative peut être interprétée comme la volonté d’acteurs, particulièrement dotés de ressources socio-culturelles et issus de groupes minoritaires au sein des populations musulmanes, de se constituer en « représentants » des musulmans de Suisse, instaurant ainsi une division sociale du travail entre d’une part les acteurs qui sont engagés au niveau local et cantonal et d’autre part ceux qui s’activent à l’échelle nationale.

La première organisation, la Coordination des organisations islamiques de Suisse (COIS), regroupe des organisations centrales et les unions cantonales de Bâle, Berne et Zurich. Ce regroupement a été initié par un médecin d’origine pakistanaise, avant que la présidence ne soit reprise par un docteur en sociologie d’origine iranienne. S’agissant de décrire son rôle à la tête de cette organisation, ce dernier met en avant sa position sociale :

On a demandé qui pourrait représenter nos intérêts ? Sur le niveau national, ce sont plutôt des médecins, des avocats, des  ingénieurs.  Eux  ils  sont  surtout sur  la  représentation  nationale.  Plutôt  des  intellectuels.  Et  sur  le  niveau associatif, ce sont plutôt des migrants de la souche des travailleurs.(Entretien, président organisation faitière, Berne, 24.02.2009).

Au-delà de l’idée que les élites issues des populations musulmanes auraient un rôle à jouer pour  «représenter les  intérêts»  du  groupe,  les  enjeux  portés  par  l’organisation  restent vagues  et  les  scènes  de  représentations  se  limitent  jusqu’à  une  période  récente  à  la sphère médiatique.  Ce  n’est  qu’en  2006  que les  tribunes se  diversifient,  avec  la  création  par  la Conférence  suisse  des  Évêques  d’un  Conseil  Suisse  des  religions. Celui-ci a pour  vocation de  contribuer «à  la  compréhension  mutuelle  entre  responsables  des  diverses communautés religieuses  et  à  la  promotion  de  la  paix  religieuse»[4].

Jusqu’en  2006,  la  prétention du président  de  la  COIS à  la  représentation,  sans  véritable  fondement  du  point  de  vue  des actions menées conjointement entre associations membres de la Coordination, n’avait guère soulevé  de  résistance.  Le  fait  de  briguer  un  siège  unique  au  Conseil  suisse  des  religions remet en cause cette prétention relativement autocratique. Incriminant le fonctionnement de la COIS et les ambitions de son président, un médecin d’origine palestinienne réunit autour de  lui,  notamment les  unions  cantonales  de  Fribourg,  Genève,  Neuchâtel  et  du  Tessin,  en tout treize  organisations  composées  d’environ  171  centres  islamiques.  Dans  un  même mouvement,  il  crée la  seconde  organisation  faîtière  au  niveau  national,  la Fédération  des organisations islamiques de Suisse (FOIS).

Si ces deux organisations, fortement personnalisées, se livrent une « lutte pour   la visibilité »[5] durant les premières années (double représentation au sein du Conseil suisse des religions), la concurrence entre leurs présidents semble s’être atténuée. Premièrement, en 2013, seul le président de la FOIS siège au Conseil suisse des religions. Deuxièmement, les deux organisations mèneraient conjointement un  projet de création d’une organisation faitière unique[6],  en vue d’obtenir la reconnaissance de droit public. Deux éléments pourraient être à l’origine d’un  tel rapprochement : l’acceptation de l’initiative contre la construction des minarets (2009) et la concurrence avec des acteurs prétendant à la représentation des musulmans qui ne fréquentent aucune association religieuse. En outre, cette dynamique est encouragée par l’Organisation pour  la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Représenter les minorités musulmanes

Dans un contexte où l’enjeu central consiste à forger une image positive de l’islam, de nouveaux acteurs prennent de l’importance. Ils prétendent à la « représentation » des musulmans sur la scène médiatique puis auprès des pouvoirs publics (voir infra. II.  3), à partir d’associations qui n’encadrent pas la pratique religieuse. Ces associations à prétention nationale réunissent des membres de différentes régions de Suisse : Association culturelle des femmes musulmanes de Suisse (1992), Ligue des musulmans de Suisse (1994), Forum pour un islam progressiste (2004), Association suisse des musulmans pour la laïcité (2006), ou   encore, Conseil central islamique suisse (2009).

Elles constituent des tribunes concurrentes pour  la définition de l’islam et des musulmans en Suisse, les uns prônant une lecture littéraliste du  Coran, les autres promouvant une image alternative de l’islam, « humanitaire », « laïque » ou  « progressiste ». Ces associations se caractérisent par un leadership marqué,  leurs responsables occupant tour à tour les devants de la scène médiatique pour « représenter » les musulmans de Suisse.

Ainsi, en réaction aux images et aux discours dominants sur l’islam, se créent notamment le Forum pour un islam progressiste (FIP, 2004) et l’Association suisse des musulmans pour la laïcité (ASML). L’objectif de ces associations consiste à représenter la « majorité silencieuse » des musulmans : ceux dont on  ne parle pas, ceux qui s’expriment si peu dans les médias, c’est à dire des musulmans plus ou  moins croyants, plus ou  moins pratiquants, qui ne se reconnaissent pas dans les stéréotypes qui circulent à propos de l’islam, qui ne se sentent pas non  plus représentés par les porte-parole autoproclamés de l’islam. Selon le président de l’ASML, « on parle de nous, mais on parle de nous comme si on parlait d’autres gens. […] Cette inadéquation entre l’image et la réalité vient du  fait qu’on  n’est pas visible »[7].

La mobilisation est ici mue par le souci de rectifier l’image sociale des musulmans et de réagir aux discriminations dont ils font l’objet : partant du constat que les musulmans sont discriminés sans distinction, ces acteurs ressentent le besoin de se défendre quel que soit leur degré de conviction et de pratique religieuse. Ce faisant, les dirigeants de ces associations élargissent les frontières du  groupe à représenter, ne le limitant pas aux musulmans qui fréquentent une association qui organise le culte. En ce sens, ces acteurs s’inscrivent dans une « politique minoritaire », dans laquelle ce sont moins les origines ou le sentiment d’appartenance des acteurs qui sont déterminants que les traitements dont ils font l’objet dans la société majoritaire.

Jusqu’à l’acceptation de l’initiative contre les minarets, les relations entre ces deux types d’acteurs étaient caractérisées par une concurrence qui se concrétisait sur les scènes médiatiques. Suite au résultat de la votation et au « dialogue avec la population musulmane » initié par l’administration fédérale,  ces relations sont redéfinies par une collaboration de certains d’entre eux dans le cadre de cet échange.

Excursus fédéral : « Dialogue » national et « bonnes pratiques » cantonales

Au moment du  dépôt de l’initiative contre la construction de minarets, les présidents des COIS et FOIS ainsi qu’un  responsable local romand doté d’une longue expérience de l’associatif et d’une certaine visibilité médiatique ont spontanément manifesté leur volonté de rencontrer le chef du  Département fédéral de l’intérieur,  tentant ainsi d’inscrire la question de l’islam à Berne, dans l’agenda des affaires internes.

Suite à cette première démarche et au résultat du vote, ce sont les autorités qui décident d’organiser, dans le cadre d’une collaboration entre départements[8], des réunions ayant pour objectif de mener une réflexion autour de la question de l’islam en Suisse. Ces réunions prennent la forme de sept groupes de travail entre mai 2010  et avril 2011,  sous la responsabilité de l’Office fédéral des migrations du  Département de justice et police. Les hésitations de langage qui jonchent le rapport intitulé  « Dialogue avec les populations musulmanes » montrent l’ambigüité de la conceptualisation de la « question musulmane »[9]. Les contours de la problématique demeurent flous. Tour à tour, elle est  pensée en termes d’« intégration », de questions relevant de « migrants étrangers » ou  de relations entre « société majoritaire et minoritaire ».  Au-delà de ces hésitations de langage, révélatrices de la constitution d’une frontière intérieure à la Suisse (entre « majorité » définie comme étant de « tradition chrétienne » et « minorité ») ou extérieure à la société suisse, (entre nationaux et « migrants étrangers »), ce rapport met l’accent sur le fait qu’il incombe aux « représentants » de la  minorité  (ou aux « migrants étrangers ») de prendre une part active dans la gestion de la « question musulmane ».

Premièrement, le choix des « participants » d’origine musulmane invités à prendre part à ce « dialogue » s’inscrit dans un souci de diversification des profils. Le rapport met l’accent sur la diversité des 18 participants, en termes de sexe, de pratique religieuse, d’origine culturelle et de leur ancrage régional. L’administration estime qu’ainsi composé,  l’interlocuteur collectif   représenterait   la   «moitié   des   groupes   musulmans   présents   en   Suisse»[10]. L’administration fédérale coopte les participants à ces réunions sur la base des compétences individuelles   qu’elle   leur   reconnaît   et   de   leur   visibilité   médiatique. Bon   nombre d’associations à caractère national, d’organisations centrales et cantonales, impliquées dans l’encadrement  de  la  pratique  religieuse, sont  laissées  à l’écart  de  ce  processus. Certains interlocuteurs, pourtant  prisés  par  les  médias, ne  sont  pas  conviés. Or,  pour  les  acteurs invités, prendre part à ce «dialogue» constitue une forme de légitimation par l’Etat.

Deuxièmement, pour l’administration fédérale, l’acceptation de l’initiative  «contre  la construction des minarets […] a porté sur le devant de la scène la question des rapports entre la société majoritaire et les minorités religieuses»[11]. La Confédération reconnaît le besoin de clarifier « l’écart existant entre  la  nouvelle  disposition  constitutionnelle  d’une  part  et  la liberté  de  religion  et  l’interdiction  de  discrimination  d’autre  part  »[12]. Cet  excursus  de  la question   musulmane   au   niveau   fédéral   s’inscrit   dans   une   réflexion   sur   la   politique d’intégration  et  dans  une  pratique  des a  gestion qui  tend  à y associer  activement  les «communautés religieuses». Plus  que  d’élargir  la  compétence  fédérale en  matière  de  gestion  du  religieux, le  rapport insiste  sur  le  rôle  actif  que  devraient jouer  les  «musulmans  modérés»[13] dans  le  sens  d’une intégration. Il  serait  attendu  de  leur  part  qu’ils  négocient et  «corrigent» l’image  publique des  musulmans  à  travers  des  prises  de  positions  médiatiques.  Cette  tâche  leur  incomberait plus qu’à l’administration fédérale qui invoque la liberté d’opinion et d’information. Dans le même  sens,  les «musulmans  modérés» devraient se  mettre  en  réseau afin faire  entendre leurs  voix et  les «personnes  d’origine  musulmane  non  actives sur  le  plan  religieux [à] davantage veiller à diffuser des informations positives»[14].

Enfin,  en  dégageant quelques «bonnes  pratiques»  repérées  au  niveau  cantonal, le  rapport pourrait être le vecteur de la diffusion de certains modèles cantonaux plus volontaristes. En réaffirmant la  compétence  exclusive  des  cantons  en  matière  de  gestion  du  religieux et  en entérinant   la   définition   du problème   comme   relevant   d’une «absence   fréquente d’interlocuteurs»,  l’administration  fédérale  suggère que  se  diffuse un  mode  de  gestion reposant     sur     une     coordination     des     acteurs     musulmans     au     niveau cantonal. L’institutionnalisation  de  leurs relations avec  les  autorités  cantonales,  constitue  la  voie privilégiée à suivre[15].

Si des acteurs  musulmans,  dotés  de  ressources  socio-économiques,  s’engouffrent  dans  la brèche ainsi ouverte pour prétendre à la «représentation», cette préconisation ne repose pas moins  sur  une  représentation  irénique  de  la  vie  politique.  En  effet, comme  nous  l’avons constaté  dans  le  canton  de  Bâle, l’association  d’ « interlocuteurs  musulmans »  à  la  gestion des affaires religieuses s’accompagne d’une inégalité des rapports de pouvoir. La définition des  « bons »  interlocuteurs  est  davantage  du  ressort  des  pouvoirs  publics  et  interreligieux que des  associations  locales.  De  même,  la  définition  des  enjeux  mis  à  l’agenda  de  ces rencontres leur échappe largement.

Travail réalisé par: Samina Mesgarzadeh, Sophie Nedjar, Mounia Bennani-Chraïbi

[1] Sur  les  représentations  médiatiques  des  différentes  collectivités  religieuses  et  leur  impact  sur  la  population suisse, voir Luzius MADER, Marc SCHNINZEL, art. cit., p. 107-140.

[2] Voir l’ouvrage collectif dirigé par Christoph Bochinger qui présente les résultats du PNR 58 « Collectivités religieuses, Etat et société ». Les recommandations formulées par ces chercheurs vont dans le sens d’une plus grande implication des  acteurs  musulmans  pour  modifier  leur  image  sociale.  Christoph BOCHINGER éd., Religions, Etat et société. La Suisse entre sécularisation et diversité religieuse, Zurich : Editions Neue Zürcher Zeitung.

[3] Les sociologues français Didier et Eric Fassin constatent en France le passage d’une « politique identitaire » à  une  « politique  minoritaire »  qui  met  au  cœur  de  ses  revendications  la  reconnaissance  des  discriminations subies, davantage que la reconnaissance d’une « identité ». Ce qui unit les acteurs dans ce cadre n’est pas tant la « communauté », que l’ « expérience minoritaire ». En effet, alors que « les communautés ont en partage une culture,  ce  qui  définit  les  minorités,  c’est  l’assujettissement  d’un  rapport  de  pouvoir ». Didier  FASSIN,  Eric FASSIN,   « Conclusion.   Eloge   de   la complexité»,   in : De  la  question  sociale  à la  question  raciale ? Représenter la société française(Didier FASSIN, Eric FASSIN éd.), Paris, La Découverte, p. 257-268, ici : p. 259.

[4] Site  «Conseil    suisse    des    religions»,    consulté    le    11.02.2013. http://www.eveques.ch/groupes-d-experts/conseil-suisse-des-religions.

[5] « On qualifiera ainsi de “lutte pour la visibilité” cette dimension spécifique de l’agir qui, partant d’un vécu d’invisibilité ou de dépréciation symbolique, déploie des procédés pratiques, techniques et communicationnels pour  se  manifester  sur  une  scène  publique  et  faire  reconnaître  des  pratiques  ou  des  orientations  politiques.  » p.107-108.  Olivier VOIROL,  «  Les  luttes  pour  la  visibilité.  Esquisse  d’une  problématique  », Réseaux,  2005,n°129-130. p. 89-121.

[6] Selon  l’article  de  Victor  Fingal,  « Deux  associations  veulent  faire  de  l’islam  une  religion  suisse  à  part entière », Le Matin, 13 mars 2011, les présidents de la KIOS et de la FOIS se seraient entendus sur un « projet fédérateur » visant à « faire de l’islam une religion suisse à part entière ».

[7] Entretien, président de l’ASML, novembre 2007, Genève.

[8] L’Office  fédéral  de  justice  et  police,  l’Office  fédéral des  migrations  et  le  Département  fédéral  des  affaires étrangères.

[9] Pour le sociologie Didier Fassin, la « question musulmane » est au cœur de la « question raciale » en France, dans  la  mesure  où  certaines  « affaires »,  comme  celle  du  voile,  incarnent  la  manière  dont  une  minorité  est construite  comme  posant  « problème  à  la  majorité,  se  définit  en  termes  de  menace  et  produit  des  effets  de disqualification ».  Ces  « affaires » –  on  peut  penser  à  l’initiative  contre  les  minarets  dans  le  cas  suisse- contribuent à réifier et à radicaliser la différence des minorités dans l’imaginaire social. Voir Didier FASSIN,« Nommer,  interpréter.  Le  sens  commun  de  la  question  raciale »,  In : De  la  question  sociale  à  la  question raciale ? (Didier FASSIN, Eric FASSIN éd.), Paris, La Découverte, ici : p. 32.

[10] Confédération   Suisse,   Département   fédéral   de   justice   et   police   DFJP, Dialogue  avec  la  population musulmane  2010. Echange  entre  les  autorités  fédérales  et  les  musulmans  en  Suisse,  Référence  du  dossier: COO.2180.101.7.147357 / 023.80/2008/00144023.80/2008/00144, 2011, 43 p., ici: p. 5.

[11] Ibid., p. 2.

[12] Ibid., p. 3.

[13] Le  qualificatif  de  musulmans  «modérés»,  sans  être  clairement  défini  dans  le  rapport  de  l’administration fédérale,  semble  désigner  l’ensemble  des  acteurs  musulmans  invités  à  prendre  part  au  «dialogue»  et à s’opposer aux «musulmans ayant tendance à défendre une interprétation orthodoxe de l’islam» (Ibid., p. 37). A  ce  titre,  le  Conseil  central  islamique  suisse  (CCIS)  et  son  représentant  Nicolas  Blancho,  ont  été  écartés  du «dialogue» à  la  suite  d’une  rencontre  entre  le  directeur  de  l’Office  des  Migrations  et  les  responsables  du CCIS, en lien notamment avec leurs prises de positions sur la lapidation des femmes et la velléité d’introduire un conseil de la fatwa(Communiqué, Office fédéral des migrations, «Dialogue avec la population musulmane sans le concours du Conseil central islamique suisse», 04.05.2010).

[14] Confédération Suisse, op. cit., p. 38.

[15] Confédération Suisse, op. cit., p. 39

Conclusions sur l’« organisation » de l’Islam de Suisse

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