Réformes nécessaires aux États musulmans : Avant propos

  • 31 décembre 2018
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Réformes nécessaires aux États musulmans Khereddine
31 Déc

Le célèbre livre “Réformes nécessaires aux États musulmans” est un essai formant la première partie de l’ouvrage politique et statistique intitulé “la plus sûre direction pour connaître l’état des nations” / par le général Khair-Eddine ; traduit de l’arabe (publiée en 1867) sous la direction de l’auteur et par le biais du général Hassine, l’ami intime de Khair-Eddie. Et publié en France en février 1868

AVANT PROPOS

Après avoir longuement médité, l’histoire à la main sur les causes du progrès et de la décadence des sociétés anciennes et modernes, et m’être tenu autant que possible au courant de ce qui chez nous et à l’étranger, a été publié sur le passe ou préjugé, d’après les données de l’expérience, sur l’avenir des peuples musulmans, j’ai dû me convaincre, comme de vérités qui ne sauraient être mises en doute ni sérieusement contestées par aucun musulman sensé, que, au milieu du mouvement général des esprits et dans l’état actuel des nations qui rivalisent entre elles dans la recherche du bien et du mieux, nous ne pourrions pertinemment apprécier et recommander ce qu’il convient de faire chez nous sans connaître ce qui se passe chez les autres, particulièrement chez ceux qui sont autour et près de nous; et que, de nos jours, avec la rapidité des communications et les moyens encore plus rapides de la transmission de la pensée, il faut considérer le monde par rapport aux nations comme un seul pays habité par des races différentes, en contact toujours plus fréquent entre elles, ayant des intérêts identiques à satisfaire, et concourant, quoique séparément, à l’avantage commun.

En partant de ces prémisses incontestables, tout bon musulman sincèrement convaincu que la loi islamique suffit constamment et partout à toutes les exigences du spirituel et du temporel, et sachant qu’une bonne réglementation des affaires civiles ne peut être qu’avantageuse aux intérêts religieux, doit reconnaitre avec regret que la plupart de nos ulémas, qui sont investis de la double mission de sauvegarder les intérêts spirituels et matériels de notre loi théocratique et de développer l’application successive de ces derniers, par une interprétation intelligente et conforme aux besoins de l’époque, se montrent peu soucieux de connaître tes affaires intérieures de leur pays, et qu’ignorant complètement ce qui se passe chez les autres, ils se trouvent par suite, sans qu’il soit besoin de le démontrer, dans l’impossibilité de remplir convenablement leur mission temporelle.

Or, est-il admissible que ceux qui sont destinés à être les médecins de la nation ignorent la nature du mal, ou ne mettent leur gloire à être initiés aux principes les plus élevés de la science que pour ne pas les appliquer ?

C’est aussi avec non moins de regret qu’on doit reconnaître que, parmi tes hommes d’État musulmans, il y en a qui partageai réellement l’ignorance politique des ulémas, et d’autres qui l’affectent de parti pris, parce qu’ils sont intéressés au maintien du despotisme.

Dans cet état de choses, j’ai pensé qu’en publiant le résultat de mes longues et consciencieuses recherches et des observations personnelles que j’ai été à même de faire pendant le cours de plusieurs missions, dont S. A. le Bey m’a honoré auprès des gouvernements amis, je ferais an travail de quelque utilité pour l’avenir de l’islamisme, si j’atteignais le but principal de mon ouvrage, qui est de mettre nos ulémas en état de mieux remplir leur rôle temporel, et de ramener dans la bonne voie tes égares, hommes d’Etat ou simples particuliers, en faisant entrevoir quelle devrait être la marche de nos affaires à l’intérieur et à l’extérieur, en mettant les uns et les autres à même de connaître ce qu’il importe de savoir à présent sur l’état politico-économique des nations européennes, particulièrement de celles qui ont avec nous des relations plus fréquentes ou plus intimes, et, enfin, en leur inspirant le désir d’imiter la louable persévérance des Européens à se procurer toute sorte de renseignements sur l’état matériel et moral des différents peuples du globe, ce qui, du reste, est rendu plus facile aujourd’hui qu’autrefois, par la création de nouvelles voies de communication qui ont raccourci tes distances et rapproché les limites des États.

A cet effet, j’ai résumé ce qu’il m’a été possible de recueillir sur les nations européennes et sur leurs institutions politico-administratives, et j’ai parlé de l’état où ces nations se trouvaient anciennement et des moyens qu’elles ont employés pour atteindre le haut degré de progrès et de prospérité dont elles jouissent maintenant. J’ai parlé aussi de l’ancienne société musulmane, à qui les historiens européens eux-mêmes reconnaissent la priorité dans les sciences, le progrès et la prospérité nationale, au temps où notre loi politico-religieuse était savamment expliquée et rigoureusement appliquée dans tontes les affaires publiques.

En indiquant les moyens employés en Europe, j’ai été naturellement amené à faire plus spécialement ressortir ceux qui, se trouvant conformes ou tout au moins non contraires aux préceptes de notre loi théocratique, m’ont paru les plus propres à nous faire reconquérir ce que nous avons perdu et à nous tirer de notre état actuel, et j’ai ajouté enfin, comme complément de mon sujet, tout ce que j’ai cru pouvoir satisfaire le désir légitime du lecteur.

Mon ouvrage se compose d’une introduction et de deux livres, contenant chacun plusieurs chapitres, et je l’ai intitulé : La plus, plus, sûr direction pour connaitre l’état des nations. L’amour du bien m’a poussé à entreprendre ce travail, peut-être au-dessus de mes forces ; mais, en faveur de la bonne intention, je réclame l’indulgence du lecteur.

Khair-Eddine Le Tunisien, février 1868

INTRODUCTION

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