Les intérêts français en Tunisie – 1887

  • 31 décembre 2018
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Les intérêts français en Tunisie – 1887
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Les intérêts français en Tunisie – 1887
Les intérêts français en Tunisie – 1887
Les intérêts français en Tunisie – 1887
Les intérêts français en Tunisie – 1887
Les intérêts français en Tunisie – 1887

L’avenir agricole de la Tunisie repose sur l’union étroite du capital et du travail privé. Cette union rendra à la Régence son antique splendeur, en permettant l’exploitation des mines de fer de Tabarca et des carrières de marbre de Schemtou, le développement des vignobles sur tout son territoire, une culture des céréales plus perfectionnée et les cultures intensives aux endroits favorables.

Sous peu d’années la Tunisie exportera en abondance des vins, des grains, des alfas, des huiles, des dattes et des minerais, Et à son tour, par l’augmentation de la population européenne, par les nouveaux besoins des indigènes plus riches et plus civilisés, la Tunisie demandera à la France des tissus à ses manufactures, des machines à ses industries, des denrées à son commerce ; et il se fera un échange incessant entre la Métropole et sa nouvelle colonie.

Le travailleur ne fait pas défaut en Tunisie. Le fellah, sobre, peu payé, se forme rapidement et acclimaté au pays, connaissant instinctivement les exigences du sol, il donne, avec une tête pour le diriger, les meilleurs résultats.

Le Maltais, le Sicilien fournissent aussi un bon appoint de travail dans la culture plus avancée. Ce qui a amené si rapidement la Régence à cette nouvelle période de vie et de prospérité, c’est qu’elle a trouvé auprès de la France, la justice, l’intelligence, le capital et cette qualité essentiellement française, l’esprit d’organisation.

La Tunisie est une bonne affaire, et bientôt elle sera une excellente affaire.

Telle n’était pas l’opinion générale au début de l’expédition, et il est juste de rendre hommage à la ténacité intelligente dont M. Jules Ferry a fait preuve dans cette circonstance. Ses efforts courageux et son esprit de suite ont contribué dans une large mesure à l’heureuse issue de cette vaste entreprise.

La Tunisie produit une bonne impression sur tous les esprits impartiaux qui l’étudient en détails. C’est l’opinion qu’en ont rapporté les deux derniers voyageurs français dans la Régence, M. de Lanessan, député de la Seine, spécialiste éminent pour les questions coloniales, M. Pascal, ancien conseiller d’État, qui était parti pour Tunis hostile au Protectorat et en est revenu avec des idées favorables qu’il défend par la plume et la parole.

Le Protectorat, qui est la forme de Gouvernement la plus favorable, est à conserver. Grâce au Protectorat, à Mohamed Es-Sadok a succédé sans secousse, en 1883, son frère Ali, le Bey actuel, suivant le mode de succession en vigueur dans la Régence.

Les travaux publics sont à développer. L’établissement du port de Tunis est urgent. L’importance de la population de cette ville, les intérêts commerciaux et politiques de la capitale de la Régence, nécessitent au premier chef l’exécution de ce travail.

Il a été question de créer un chenal dans le lac El Bahira, et de former ainsi un port intérieur, abrité, permettant aux vaisseaux d’arriver jusqu’aux douanes de Tunis. Mais l’on a reculé, avec juste raison, devant une solution dont les conséquences seraient désastreuses pour la salubrité de la ville. Les dragues agitant ces dépôts de vase, accumulés depuis des siècles dans le lac, en feraient sortir des miasmes délétères qui engendreraient les fièvres et les maladies épidémiques dans une cité aujourd’hui saine.

Selon toute probabilité le port se fera à la Goulette, rade aujourd’hui ouverte à tous les vents, où les débarquements sont difficiles ; on y creusera un port profond, on y construira des jetées et des quais pour faciliter les transbordements par tous les temps et en toute saison. Et le chemin de fer actuel prolongé, s’il y a lieu, reliera Tunis à son port naturel. Bizerte, trop éloignée de Tunis pour lui servir de débouché, pourra devenir un excellent port militaire.

Enfin, la continuation du chemin de fer de Tunis à Hammam l’Enf, jusqu’à Sousse et Kairouan, sera fort avantageuse au développement de la vie agricole dans cette contrée ; cette nouvelle artère remplissant vis-à-vis de la riche Byzacène le rôle du chemin de fer de Ghardimaou pour la vallée de la Medjerdah. L’établissement de nouvelles voies de communication, les travaux faits pour l’aménagement des eaux des sinières, amèneront une nouvelle production et donneront un nouvel aliment au commerce.

Enfin l’entrée en franchise à Marseille des produits tunisiens rendra le commerce de Tunis essentiellement français. L’occupation de la Tunisie au point de vue politique a présenté des avantages de premier ordre. Elle a supprimé un voisin dangereux à l’Algérie, et a fait cesser là même, les incursions des pillards limitrophes.

Elle nous a ouvert une porte de plus sur le Sahara, qui facilite le commerce de transit avec les oasis du désert et le Soudan. Elle nous a donné 300 lieues de côte sur le continent africain, Bizerte et Carthage, le cap Bon qui, entre les mains d’une puissance rivale, aurait fermé le bras de mer qui sépare l’Afrique de la Sicile. Elle nous a donné 12 millions d’hectares et 2 millions de sujets.

Pour se rendre un compte encore plus exact des avantages de cette nouvelle colonie, il faut examiner de plus haut la question de colonisation, et voir si la France doit s’agrandir ; bien même temps que la Russie annexe des territoires immenses, chaque année, et dirige de nouveaux peuples dans le Turkestan et dans la Perse, que l’Angleterre occupe l’Empire des Indes et l’Australie, que l’Allemagne cherche par tout le monde des débouchés à son commerce et des colonies pour ses émigrants, nous devons nous replier sur nous-mêmes, nous contenter de ce que nous possédons, attendant un siècle ou deux pour en constater les bons effets et les bons résultats.

A cette époque il est fort probable que tout le continent africain sera effectivement occupé ou dominé par les puissances européennes qui sont appelées a diriger l’Univers, et il sera trop tard pour agir et y porter remède.

Il faut qu’un peuple grandisse pour qu’il ne diminue point. Il faut qu’il augmente et sa population et son territoire, sous peine de s’amoindrir. Il en est des pays comme des hommes, il est nécessaire que la vie éclate et se fasse jour au dehors pour qu’elle ne s’annihile pas au dedans en querelles intestines, en révolutions et en forces perdues.

C’était l’opinion de nos pères qui avaient occupé le Canada, les Indes, Saint-Domingue et Maurice. C’était l’opinion de Richelieu et de Colbert, d’Henri IV et de Louis XIV, et de tous les grands politiques qui voyaient de loin et de haut l’avenir de la France. Un traité désastreux nous a enlevé les plus beaux joyaux de notre couronne coloniale. Mais il nous reste encore l’Afrique, et en particulier l’Afrique du Nord.

Notre rôle y est bien dessiné. Par sa proximité de la France, par les colonies que nous y possédons déjà, par la connaissance que nous y avons acquise des Musulmans qui l’habitent, et des ressources qu’elle présente, l’Afrique du Nord peut en grande partie nous dédommager de la perte des Indes.

Le bien qui y a été accompli par nos missionnaires, ces vaillants pionniers de la civilisation, les découvertes qui ont été faites par nos explorateurs, en sont l’indice. Pour en citer un exemple entre mille, je rappellerai que les premiers Européens qui aient fait connaître Tombouctou, les oasis du Désert algérien, les oasis du désert marocain sont des Français : Caillé[1], Duveyrier[2] et de Foucauld[3].

Notre race généreuse, sympathie que, douée d’initiative, plaît aux Africains, comme les Russes plaisent aux Musulmans asiatiques. Pour coloniser il ne faut pas un excès de population dans la Métropole ; il faut seulement des missionnaires zélés, des soldats courageux, des administrateurs habiles et des capitaux disponibles, qui, grâce à Dieu, ne font pas défaut en France.

J’ai essayé d’établir un parallèle entre la Tunisie où nous sommes et le Maroc (dans le livre “Un Empire qui croule” 1886) où nous ne sommes pas encore et la comparaison des situations actuelles de ces deux pays peut inspirer à notre race, un légitime orgueil.

Ce désir d’un développement français sur le continent africain à été éloquemment exprimé par Prévost-Paradol, par M. Leroy-Beaulieu qui, dans son ouvrage de la colonisation chez les peuples modernes, dit que : « la France deviendra une grande puissance africaine, ou elle ne sera dans un siècle ou deux qu’une puissance secondaire » ; et par un soldat valeureux, Lamoricière, qui constatant nos succès en Algérie, prévoyant nos conquêtes futures en Tunisie, s’exprimait en ces termes: « La Providence qui nous destine à civiliser l’Afrique nous a donné la victoire ».

Source : La Tunisie française – Ludovic Campou, 20 mai 1887

[1] René Caillé fit un voyage de quatre années dans le Soudan et dans le Maroc. Sans fortune et sans protection, il partit en 1824, de Sierra Léone, alla jusqu’à Tombouctou et revint à Tanger par le Tafilet et Fez. Il est mort en Iî38 à l’âge de 39 ans; il a laissé une description détaillée de son voyage intitulé : Jou, nat d’un voyage à Tomi”uct”u et à Jenné.

[2] Henry Duveyrier, réminent vice-président de la Société de Géographie, a parcouru le Sahara dans tous les sens, de 1859 à 18t2, et en a donné la géographie générale. Il est entré le premier à Aïn Sala.

[3] Le Vicomte Charles de Foucauld, l’explorateur héroïque du Maroc, a passé plus d’une année au milieu des populations Berbères de l’Atlas, du Drah et du Tafilet, les rivières du désert marocain. Il a accompli ce voyage, déguisé en juif, et en a dressé l’itinéraire avec une précision scientifique. Son journal de voyage va paraître prochainement. Petit, avec des apparences frêles, de Foucauld a l’âme pleine d’une énergie raie et l’esprit doué d’un naturel étonnant. Je le revoyais il y a un mois dans un salon ami et lui demandais quelques détails sur les dangers qu’il avait courus au Maroc. Il me répondit qu’il avait failli être brûlé cinq fois et me donna la raison de ce supplice.

Quand un musulman tue un chrétien, il a un siège assuré au paradis de Mahomet. Si on le brûle, dans un rayon de dix lieues tous les habitants apportent leur petite bûche et contribuant ainsi à la mort d’un chrétien, vont en masse au paradis.

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