Rapport au Président de la République sur la situation de la Tunisie en 1921

  • 31 décembre 2018
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1921 - Défilé à La Marsa - Tunisie
31 Déc

Extension de la nationalité française jure soli aux Pays de Protectorat

Donnant suite à son décret du 19 juin 1914 sur la nationalité tunisienne[1] S. A. le Bey prenait le 8 novembre 1921 le décret suivant : Vu notre décret du 19 juin 1914,

ARTICLE PREMIER. — Est tunisien, à l’exception des citoyens, sujets ou ressortissants de la Puissance Protectrice autres que Nos sujets, tout individu né sur le territoire de Notre Royaume de parents dont l’un y est né lui-même, sous réserve des dispositions des conventions ou traités liant le Gouvernement tunisien.

ART. 2. — Est abrogé Notre décret du 19 juin 1914 en ce qu’il a de contraire au texte ci-dessus.

Simultanément, le Président de la République, par un décret parallèle, affirmait le jus soli français en Tunisie grâce auquel il est loisible d’appliquer aux étrangers européens la naturalisation française automatique, aussi bien que l’individuelle. Mais, comment distinguer les personnes susceptibles d’être naturalisées tunisiennes de celles capables d’être naturalisées françaises ? Le criterium est le fait d’être ou non ressortissant des tribunaux français : Le Président de la République française, Vu la loi du 16 juillet 1875, article 8, Vu les lois du 27 mai 1881 et du 29 avril 1884,

Décrète : ARTICLE PREMIER, — Est Français tout individu né dans la Régence de Tunis de parents dont l’un, justiciable au titre étranger des tribunaux français du Protectorat, est lui-même né dans la Régence, pourvu que sa filiation soit établie en conformité des prescriptions de la loi nationale de l’ascendant ou de la loi française avant l’âge de 21 ans.

Si ce parent n’est pas celui qui, en vertu des règles posées par la législation française, donne à l’enfant sa nationalité, celui-ci peut, entre sa 21e et sa 22e année, déclarer qu’il renonce à la qualité de Français.

Cette déclaration sera reçue dans les formes et sous les conditions déterminées par les articles 9 et suivants du décret du 3 octobre 1910.

Les Italiens, encore sous le régime des conventions de 1896, demeurent à l’écart du bénéfice des décrets. Ceux-ci embrassent en revanche tous les autres étrangers quels qu’ils soient.

Les décrets actuels sont à trente ans de distance le succédané tunisien de la loi de 1889. Notre Code Civil confère définitivement la qualité de Français aux étrangers nés en France de parents qui y sont nés eux-mêmes, tandis que sont Français sous condition résolutoire jouant à leur majorité, les étrangers nés en France de parents arrivés du dehors. De ces deux points, le premier seul, est commun à la loi de 1889 et aux décrets du 8 novembre 1921, qui n’envisagent pas le second cas. La nationalité française ne peut donc s’obtenir automatiquement dans le beylik qu’à la troisième génération, ce qui, grâce à un stage plus long, imposé aux familles, série l’afflux des néo-français et le limite aux individus africanisés et déjà plus ou moins indifférents à la patrie de leurs ancêtres.

Les étrangers en Tunisie, à la deuxième génération, aussi bien que les immigrés (première génération) n’ont d’autre voie pour devenir nos compatriotes que celle de la naturalisation individuelle offerte par le décret français du 3 octobre 1910.

Malgré qu’ils visent tous les étrangers, sauf les Italiens, les décrets par suite de l’immigration relativement récente des Grecs, Espagnols, etc., ont surtout amené dans nos rangs des Maltais. Ceux-ci ont accueilli avec satisfaction le changement. Une manifestation brillante se déroula le 27 novembre à la Résidence générale vers laquelle affluèrent de tous les cantons de la Régence télégrammes de remerciement et assurances de dévouement sincère. A Djerba, tous les néo- Français de l’île furent conduits en masse au contrôle civil par l’agent consulaire d’Angleterre, maltais lui-même.

L’empressement des Maltais à se rendre dans les bureaux des contrôleurs civils fut tel que, deux mois après les décrets, 4250 étaient inscrits de leur propre gré et que l’immatriculation était terminée partout, sauf à Tunis.

Bien mieux, un très grand nombre de Maltais, nés dans la Régence de pères nés à Malte et qui de ce fait sont à l’écart de la mesure prise, en ont sollicité le bénéfice pour être Français comme leurs enfants. Le nombre total des nouveaux Français atteindra environ 5.500.

FINANCES :
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Bien que les circonstances économiques n’aient pas été aussi favorables qu’on avait pu d’abord l’espérer, le Gouvernement du Protectorat s’est particulièrement attaché en 1921 à hâter le retour du pays à la vie normale en supprimant progressivement toutes les mesures exceptionnelles nécessitées par l’état de guerre, puis par le déficit des récoltes d’olives de 1919-1920 et de céréales de 1920-1921. Il a mis fin, dès que cela lui a été possible, à son ingérence dans les affaires ressortissantes normalement à l’activité privée.

La liberté commerciale, demandée par tous, producteurs, intermédiaires et consommateurs, est redevenue en Tunisie la loi commune ; les divers stocks que l’Etat avait dû constituer au titre du ravitaillement ont été complètement épuisés au début de l’année 1922.

Ainsi qu’en le verra ci-après, l’intervention gouvernementale est actuellement strictement limitée à des questions d’ordre public ou budgétaire, telles que la législation sur les loyers et la taxe de sortie sur les huiles ; mais cette intervention n’est que provisoire : elle est destinée à disparaître elle-même à brève échéance.

  1. — Mesures de ravitaillement

Céréales. — L’année 1921 a marqué la fin de l’intervention gouvernementale dans le commerce des céréales. Cette évolution, qui a été rendue possible par l’abondance relative de la récolte locale et des disponibilités mondiales, répondait au désir de tous les intéressés.

La Conférence Consultative avait formulé un vœu dans ce sens dans sa session de décembre 1920 et la même opinion fut émise dans une conférence tenue sous la présidence du Résident Général, le 28 mars 1921, pour étudier le régime de la nouvelle récolte de céréales et à laquelle assistaient, outre les Directeurs des Finances et de l’Agriculture, les Présidents des Chambres d’Agriculture et de Commerce de Tunis et ceux des associations des négociants en céréales et des minotiers.

La réforme en question a été réalisée par les décrets du 30 avril et du 10 juin 1921.

Le premier de ces décrets qui a édicté la liberté des importations et des exportations de céréales, avait toutefois maintenu provisoirement l’interdiction d’exporter les dérivés du blé et les céréales et légumineuses des récoltes antérieures à 1921.

Cette réserve qui avait pour but d’éviter une exportation trop importante des quantités existant dans le pays et les difficultés qui auraient pu en résulter pour l’approvisionnement local pendant la période généralement critique de la soudure, a été levée dès que les céréales de la nouvelle récolte sont arrivées sur les marchés en quantités suffisantes.

Tel a été l’objet du second décret susvisé qui a autorisé à partir du 1er juillet 1921, l’exportation des dérivés du blé et des céréales et légumineuses des récoltes antérieures à 1921 et qui a abrogé toutes les dispositions antérieures réglementant le taux d’extraction des produits du blé et les mélanges de ces produits.

Ainsi prenait fin la tutelle que l’Etat avait cru devoir exercer depuis le commencement de la guerre sur les opérations relatives au ravitaillement en céréales dans le double but de ménager les ressources du pays pour procurer à la Métropole une contribution aussi abondante que possible et d’assurer sur place une répartition équitable des quantités disponibles.

Le Gouvernement n’a pas eu à regretter sa décision. Le régime de liberté qui a été adopté a permis aux agriculteurs, surtout aux plus diligents, d’écouler leurs produits à des prix relativement élevés grâce à une exportation qui a atteint, pour la période du 1er juin 1921 au 28 février 1922, 633.457 quintaux de blé et 1.450.925 quintaux d’orge.

La consommation n’a d’ailleurs pas souffert de cette exportation, les prix ayant décru constamment depuis le début de la campagne et le commerce ayant pu effectuer des importations de blé et de farine qui se sont élevées à 5.071 quintaux pour le blé et à 23.571 quintaux pour la farine.

Les producteurs ont enfin été protégés contre une baisse exagérée du prix des blés par la même augmentation qu’en France du droit d’importation sur les diverses céréales (décret du 9 juillet 1921).

* * *

La liquidation des stocks de blé constitués par l’Etat s’est effectuée sans difficultés.

Le Service chargé de cette partie du ravitaillement, prévoyant que la récolte de 1921 dépasserait les besoins du pays, s’était attaché, pour ne pas encombrer inutilement le marché local, à n’acheter au dehors que les quantités strictement nécessaires, au fur et à mesure des besoins. Il a pu ainsi profiter, pour ses derniers achats, de l’abaisse- ment des prix qui s’est produit en fin de campagne.

Les approvisionnements relatés au précédent rapport ont été complétés, a la date du 26 avril 1921, par deux derniers achats de 20.000 et de 10.000 quintaux de blé dur effectués aux prix de 88fr.25 et 87fr.25 le quintal, ce qui a porté le montant total des achats (quantités effectivement livrées) à 310.812 q x 56 de blé dur et 169.238 q x 70 de blé tendre.

A la date du 30 juin qui peut être considérée comme étant celle de la soudure, le Service de ravitaillement ne détenait que les stocks ci-après :

1°) 8.560 quintaux de blé dur,
2°) 25.000 quintaux de blé tendre, provenant de la restitution tardive par l’Algérie de même quantité qui lui avait été prêtée en mai 1920.

Le stock de blé dur a été cédé presque intégralement à l’Intendance.

Quant aux 25.000 quintaux de blé tendre, pour éviter la dépréciation qu’aurait pu entraîner sur le marché la cession en bloc de cette quantité au moment de la formation des premiers cours, le Gouvernement décida d’en retarder la vente jusqu’au 15 août. La livraison en a d’ailleurs été échelonnée jusqu’au 15 décembre.

Situation du compte de ravitaillement au 31 décembre 1921. — Cette situation est indiquée par le tableau ci-après (voir page 14).

Le boni de 20.786.542fr.26 qu’elle fait ressortir et qui est encore susceptible d’augmentation, par la réalisation des derniers stocks disponibles, a déjà servi à grossir les recettes des budgets ordinaires, à concurrence de 400.000 francs en 1916, 400 000 frs en 1917, 400.000 frs en 1918 et 5.400.000 frs en 1919.

Un nouveau prélèvement de 16.500.000 frs a été prévu pour équilibrer le budget de 1922.

Situation du compte de règlement du déficit de la campagne de céréales 1920-1921 — Comme l’année dernière, le tableau de la page 14 ne comprend pas les opérations nécessitées par le déficit de la campagne des céréales de 1920-1921.

Ces opérations sont récapitulées dans le tableau ci-après (voir page 18) qui fait ressortir un excédent de dépenses de 14.600. 230fr.34.

Ce déficit doit être couvert par le produit de la taxe de 50 frs par quintal métrique qui, aux termes du décret du 11 décembre 1921, doit frapper l’huile exportée pendant la campagne 1921-1922.

PhotoN1-Rapport1921

RÉCAPITULATION

DÉPENSES                 RECETTES

Céréales                                  202.596.539 29           209.727.015 28
Autres produits                       226.827.358 64           245.827.024 09
Avances diverses                      27.430.085 75             22.086.485 97

456.853.983 68            477.640.525 94

Solde créditeur                                   20.786.542 26

TRÉSORERIE GÉNÉRALE

ANNÉES                     DÉPENSES                             RECETTES

1914                                5.667.339 16                              977.222 89
1915                              17.477.405 71                        17.932.053 42
1916                              11.635.775 42                        12.485.823 29
1917                              68.918.700 08                         45.508.113 57
1918                            161.454.103 85                       109.280.836 86
1919                            124.872.693 15                       140.547.675 25
1920                              60.412.977 35                       105.066.089 36
1921                                6.414.988 96                         45.842.711 30

TOTAUX                    456.853.983 68                       477.640.525 94

TOTAL                                               20.786.542 26

DOMPTE DE RAVITAILLEMENT   –    SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1921
CÉRÉALES 1920-1921

PhotoN2-Rapport1921OBSERVATIONS :
(1) Sur ce nombre 26.418 quintaux réquisitionnés dans des minoteries n’ont pas été payés en argent mais restitués en blé exotique.
(2) Même observation pour 9.000 quintaux.
(3) 3,611 qx 80 réquisitionnés chez des commerçants ont été restitués en orge exotique. Les sommes figurant dans cette colonne sont appelées à être réduites dans une certaine mesure pour le recouvrement des créances restant à recouvrer au 31 décembre 1921.

  1. — Mesures dans l’intérêt du Personnel

A la suite des vœux émis par la Conférence consultative au cours de sa session de novembre 1920 en faveur du rétablissement de l’indemnité exceptionnelle de cherté de vie, un décret du 10 janvier 1921 a fixé les modalités d’attribution de cette allocation, dont l’effet rétroactif devait remonter au 1er janvier 1920. Elle a continué à être perçue pendant tout le cours de l’année 1921 et ne doit s’éteindre dans la Régence qu’à l’époque où elle sera également supprimée dans la Métropole.

Dans la session de décembre 1921, le Gouvernement du Protectorat a soumis, d’autre part, à l’approbation de la Conférence consultative, qui les a adoptées, diverses mesures destinées à améliorer, sur certains points particuliers, la situation des fonctionnaires, soit français, soit indigènes.

La première de ces propositions tendait au relèvement de l’indemnité du Sud.

Il n’est pas accordé dans la Régence, ainsi qu’il est fait dans la Métropole, d’indemnités spéciales de résidence variables suivant l’importance des localités. En raison toutefois des conditions pénibles de la vie dans les territoires situés au-dessous du parallèle de Sfax, les agents qui y sont en service ont droit à une indemnité dite « du Sud », destinée à leur permettre de faire face aux difficultés de ravitaillement qu’ils éprouvent dans ces régions particulièrement éloignées et peu desservies et de parer également aux dépenses spéciales nécessitées par l’état climatérique.

Cette indemnité, d’importance variable, suivant qu’elle s’applique à des localités du littoral ou de l’intérieur, était versée, toutefois, à un taux identique à un agent célibataire ou à un agent chef de famille.

A l’effet de tenir compte à ce dernier des charges qui lui incombent, il a été décidé que dorénavant le taux de l’indemnité à lui accorder serait porté au double. La Conférence consultative a, de même, accueilli favorablement les suggestions du Gouvernement au sujet du remboursement des frais de transport exposés pour le trajet de leur résidence au port d’embarquement par les agents partant en congé.

Bien que, en effet, conformément aux statuts en vigueur, les fonctionnaires tunisiens aient droit, tous les deux ans, au voyage gratuit par mer entre la Tunisie et Marseille, un certain nombre d’entre eux se trouvaient contraints de différer leur départ par suite des frais élevés qu’ils étaient appelés à engager pour se rendre de leur résidence au port d’embarquement. Cette situation, qu’aggravent encore depuis la guerre la réduction du service côtier et l’élévation du coût des transports terrestres, était particulièrement pénible pour les familles nombreuses.

En vue de remédier à cet inconvénient et de permettre à tous les agents, quel que soit leur résidence, de se rendre tous les deux ans en France sans assumer des dépenses hors de proportion avec leurs ressources, l’Etat a pris à sa charge les frais de transport en Tunisie dans les mêmes conditions que les frais de traversée.

En ce qui concerne les agents indigènes, qui bénéficient déjà depuis le 1er janvier 1920, d’un relèvement de l’indemnité de cherté de vie, il a été décidé, après avis du Conseil Supérieur de Gouvernement, que l’indemnité pour charges de famille fixée jusqu’alors aux deux tiers de celle du personnel français, serait portée aux trois quarts à compter du 1er janvier 1922.

Les administrations métropolitaines ayant d’autre part apporté di verses modifications aux échelles de traitement des fonctionnaires, telles qu’elles avaient été fixées à la suite du relèvement général de 1919 et 1920, des dispositions correspondantes ont été prises, par application du décret du 20 décembre 1919, dans les administrations tunisiennes qu’elles intéressaient.

Société de prévoyance des fonctionnaires et employés tunisiens. — Le nombre d’agents inscrits à la Société atteint 8.454 dont 4.559 français et 3.895 indigènes.

Taux devant servir en 1921 au calcul des rentes viagères de la Société de prévoyance des fonctionnaires et employés tunisiens. — Le taux fixé en 1921, pour le calcul des rentes viagères à inscrire aux comptes des membres de la Société, est de 4%.

III. — Retour progressif au régime de l’état de paix

Répression de la spéculation illicite sur les loyers :

L’article 5 du décret beylical du 12 novembre 1919 avait astreint d’une part les propriétaires, dans les villes de plus de 10.000 habitants, à afficher les logements vacants, avec indication de prix ; d’autre part, les Municipalités à exiger la déclaration des logements vacants.

Ces dispositions ayant donné lieu à des difficultés d’interprétation, il a paru nécessaire, pour arrêter la spéculation qui se donnait libre cours dans certaines stations balnéaires de la Régence, de préciser les termes de l’article 5 du décret précité.

Un décret du 10 janvier 1921 a édicté que, dans toutes les localités évinces Cil communes sans exception, les locaux vacants seraient affichés, avec indications de prix, et déclarés aux Municipalités qui donneront à ces déclarations toute la publicité utile. Le décret punit d’une amende de 500 à 20.000fr. toute infraction à ses dispositions.

Liquidation du moratorium des loyers :

Prorogation du délai imparti pour le dépôt des demandes d’indemnités pour pertes de loyers. — L’article 29, alinéa 5 du décret beylical du 10 mars 1919 avait prévu que les propriétaires devaient faire leurs demandes d’indemnités pour pertes de loyers avant le 12 novembre 1920, mais les Commissions arbitrales n’ont pu terminer leurs travaux à cette date.

Un décret beylical du 20 janvier 1 9 21, inspiré de la loi française du 10 août 1920, a prorogé jusqu’au 1er avril 1921 le délai imparti pour le dépôt des demandes.

Fixation définitive de la législation sur les loyers :

Le décret beylical du 10 mars 1919, portant législation du moratorium des loyers en Tunisie, a eu d’heureux résultats ; dans la majorité des cas, les parties ont volontairement accepté les directions légales (résiliations, exonérations et délais), sans recourir à la justice ; lorsqu’elles se sont adressées aux commissions arbitrales, elles en ont le plus souvent accepté les suggestions.

Se préoccupant des répercussions que ces mesures exceptionnelles pouvaient avoir, le législateur tunisien, parant au plus pressé, avait organisé par le même décret le régime de la prorogation des baux et locations qui, depuis lors, a été étendu en dehors de son cadre primitif par un décret du 15 juillet 1920 en faveur des mutilés, réformés, veuves de guerre, etc. a Mais des faits économiques nouveaux se sont produits et le Gouvernement du Protectorat, malgré son désir de revenir au droit commun en matière de loyers, dans un délai aussi bref que possible, a été contraint de prolonger encore le régime d’exception et de décider que les baux passés par les Administrations publiques dépendant de l’Etat, bénéficieraient de la prorogation.

Le libre jeu de la loi de l’offre et de la demande, par cela même qu’il a été contrarié pendant trop longtemps, risquait d’aggraver la crise du logement. Aussi, un décret beylical du 18 juin 1921, tout en envisageant la liquidation du passé, a-t-il édicté les mesures indispensables pour préparer la transition entre l’état actuel et le retour au régime de la pleine liberté des contrats.

Après avoir fixé au 12 novembre 1919, date de la cessation des hostilités en Tunisie, le point de départ des prorogations prévues à l’article 56 du décret du 10 mars 1919, et décidé, comme corollaire de l’interprétation ainsi donnée, non avenues, toutes les décisions de justice contraires, même si elles avaient acquis l’autorité de la chose jugée, il série l’expiration des locations pour éviter qu’un trop grand nombre de locataires soient mis à la même date dans l’obligation de déménager. Il met, en outre, cet échelonnement en harmonie avec les usages locaux ; chaque fois que l’expiration de la prorogation ne coïncide pas avec l’arrivée d’un terme d’usage, cette prorogation est prolongée de la durée nécessaire pour atteindre ce terme. Ainsi sont rétablies les conditions normales de sortie et d’entrée des locataires.

En même temps qu’il y avait intérêt à prévoir, dès maintenant, la liquidation des prorogations, il convenait d’impartir un délai passé lequel les parties ne seraient plus recevables à en réclamer le bénéfice. Toutes les demandes de prorogation doivent être formulées au plus tard le trentième jour qui suivra la promulgation du décret.

Malgré la diversité des échéances déjà obtenues, il a paru indispensable, en raison de la pénurie des logements, par rapport au chiffre de la population, de proroger encore à titre exceptionnel la durée des contrats en cours.

Le titre II du décret prévoit cette situation et organise ces ultimes prorogations de durées variables en raison inverse des facultés présumées des locataires.

A cet effet, il établit, suivant l’importance des localités et le montant du loyer du logement occupé, cinq catégories de locataires d’habitation.

Les locataires des 2e, 3e, 4e et 5e catégories, lorsqu’ils sont ou titulaires d’une pension d’invalidité de 50% au moins, par applications des lois des 31 mars et 24 juin 1919 ou chefs de famille ayant au moins trois enfants de seize ans à leur charge, sont traités comme s’ils appartenaient à la catégorie immédiatement inférieure.

Ceux de ces locataires dont le bail doit, par prorogation, convention ou délai octroyé par le juge, prendre fin avant le 1er janvier 1922 et qui auront rempli tous leurs engagements, pourront, s’ils n’ont pas réalisé des bénéfices de guerre dans les conditions prévues par le décret du 20 septembre 1917, obtenir une prorogation variant de deux ans, pour la 1ère  catégorie, à trois mois pour la 5e.

Cette prorogation doit être réclamée par le locataire dans les trente jours de la mise en application du décret au moyen d’une lettre recommandée, avec avis de réception, dans laquelle il fait connaître, en même temps au bailleur, qu’il s’engage à supporter, pendant toute la période de prorogation, une majoration de 50% du prix du loyer et du montant des charges tels qu’ils existaient au 1er août 1914.

Les contestations relatives à l’exercice et aux conditions de la prorogation sont portées à la requête de la partie la plus diligente, par les justiciables des tribunaux français, devant le juge de paix ou le juge des référés suivant qu’il s’agit de locations dont le loyer annuel ne dépassait pas 1.600fr ou était supérieur à ce chiffre; par les justiciables des tribunaux indigènes, s’il s’agit de locations dont le loyer annuel ne dépasse pas 200fr devant le Président du Tribunal régional et, dans le cas contraire, devant le tribunal statuant en premier ressort.

S’il a paru indispensable d’apporter de nouvelles restrictions aux droits du bailleur, il a été prévu que le propriétaire ne pourrait être dépossédé d’un logement qu’il aurait besoin d’occuper pour lui-même ou pour sa famille.

Désireux de voir le décret porter tous ses fruits, le législateur tunisien s’est attaché à atteindre la fraude dans toutes ses manifestations.

Tout bailleur qui aura fait valider le congé exceptionnellement donné au locataire, en prétendant avoir besoin de son logement pour lui ou pour les personnes de sa famille et n’aura pas, dans les trois mois de la sortie du locataire, effectivement occupé les lieux dans le but allégué, sera condamné par le juge des référés à payer au locataire des dommages-intérêts qui, en aucun cas, ne pourront être inférieurs à une année de loyer.

En outre, le décret a maintenu la mesure spéciale édictée par l’article 5 du décret du 12 novembre 1919, complété par l’article 1er du décret du 10 janvier 1921, réprimant la spéculation illicite en matière de loyers.

Enfin, pendant les trois ans, à compter de la promulgation du décret, le législateur punit des peines de l’article 419 du Code pénal français ou de l’article 139 du Code pénal tunisien sans préjudice de toutes réparations civiles :

1° — le bailleur d’habitation qui, directement ou par intermédiaire, aura imposé ou tenté d’imposer, comme condition de la location, la reprise de tout ou partie d’un mobilier ou reçu, en sus du loyer, une rémunération quelconque non stipulée au contrat;
2° — quiconque, en louant en meublé, dans un but de spéculation illicite, aura provoqué ou tenté de provoquer la hausse des loyers au-dessus du taux normal;
3° — tout locataire qui, dans un but de spéculation illicite, aura, en sous-louant à un prix exagéré un local d’habitation, meublé ou non, provoqué ou tenté de provoquer la même hausse;
4° — Tout bailleur ou locataire qui aura transformé en dépôts de marchandises, des locaux à usage d’habitation.

En dehors de ces sanctions pénales, on a permis à tout locataire d’un local à usage d’habitation, de réclamer la révision ou la rescision d’un contrat léonin qui lui aurait été imposé par la nécessité. L’action est portée devant le juge de droit commun.

Seuls, les citoyens, sujets et ressortissants des pays alliés, peuvent, au même titre que les Français, les Tunisiens, les sujets ou protégés français, se prévaloir des dispositions édictées en faveur des locataires.

Pour ne pas aggraver la crise du logement, un décret du 23 décembre 1921, a étendu, à tous les locataires, le bénéfice de la prorogation que l’article 5 du décret du 18 juin 1921 n’avait accordé qu’aux seuls locataires dont le bail expirait par suite de prorogation, de convention ou de délai accordé par le juge, au plus tard le 1er janvier 1922.

La durée restant à courir sur les baux et locations, en vertu du contrat, s’impute sur celle de la prorogation et naturellement, au cas où elle l’excède, elle rend cette dernière inopérante.

Suppression des commissions arbitrales des loyers :

– Le décret beylical du 10 mars 1919 avait liquidé en Tunisie le moratorium des loyers d’après les règles tracées par la loi française du 9 mars 1918, mais sous réserve des amendements nécessités par la situation économique du pays, son organisation administrative et’ sa législation existante.

Trois commissions d’arbitrage avaient été instituées (deux à Tunis et une à Sousse) pour connaître toutes les contestations nées entre propriétaires et locataires à raison des modifications apportées à la législation des baux pendant la durée des hostilités.

Le nombre peu élevé des affaires pendantes au 1er octobre 1921 devant les commissions d’arbitrage ne justifiait plus leur fonctionnement. En outre, le maintien de ces juridictions spéciales était peu compatible avec les dispositions du décret beylical du 18 juin 1921 qui, fixant la législation définitive en matière de baux à loyers, a donné respectivement aux juridictions du droit commun le soin de statuer sur les litiges visés par l’article 8 dudit décret.

Aussi, un décret beylical du 18 octobre 1921 a supprimé les commissions arbitrales des loyers à compter du 1er novembre 1921.

Moratorium des échéances commerciales :

Un décret beylical du 1er août 1921 a déterminé, d’après les règles tracées par la loi française du 27 décembre 1920, les conditions de règlement des sommes demeurées impayées, par application des décrets relatifs à la prorogation des échéances, par les débiteurs qui ont été mobilisés, mais sous réserve des amendements nécessités par la situation économique du pays, son organisation administrative et judiciaire et sa législation préexistante.

Le décret n’est applicable qu’aux débiteurs mobilisés pendant plus d’un an au moins et aux réformés pour cause de guerre ; il ne vise que les dettes demeurées impayées par application des décrets relatifs à la prorogation des échéances.

Les contestations auxquelles peut donner lieu le règlement des intérêts moratoires ou conventionnels sont examinées par le Tribunal civil statuant en matière commerciale et en dernier ressort et si toutes les parties sont justiciables des tribunaux tunisiens par le Tribunal régional statuant en dernier ressort. Les citations se font par lettre recommandée adressée par le greffier avec avis de réception.

Le décret prévoit dans tous les cas la tentative de conciliation.

La décision du Tribunal est notifiée, dans un délai de huit jours, au tireur et au dernier cédant par le greffier, suivant lettre recommandée avec avis de réception.

Allocations militaires de guerre aux indigènes :

Le Service organisé à la Direction générale des Finances pour assurer le paiement des allocations de guerre de diverses sortes attribuées aux militaires indigènes et à leurs familles est en pleine voie de liquidation.

L’exigibilité de l’indemnité familiale qui représente un total de paiements de plus de 44 millions de francs a totalement pris fin au mois d’août 1921, avec la démobilisation de la dernière classe indigène appelée à bénéficier de cet avantage (1917). Il ne parvient plus que quelques mandats d’arriérés.

Depuis l’armistice, il a été transmis par la Direction générale des Finances aux comptables publics, aux fins de paiement, environ 19.800 titres de primes fixes de démobilisation. 31.000 titres de primes supplémentaires et 4.800 ordres de paiement de compléments de pécule ; au 31 décembre 1921, il ne restait en instance dans les diverses recettes que 3.000 titres de démobilisation et 250 ordres de compléments de pécule approximativement, dont les titulaires, malgré des convocations réitérées, ne s’étaient pas encore présentés à cette date aux guichets.

Depuis novembre 1921, ces deux sortes d’allocations ne font d’ailleurs plus l’objet, dans la pratique, de la part des corps de troupe, des titres de parement des modèles primitivement institués (bons provisoires avec paiements fractionnés, paiements partie en espèces, partie en bons de la Défense, etc.); l’Administration militaire opère actuellement par voie d’émission d’ordonnances de paiement ordinaires, avec liquidation globale et unique par ayant-droit ; sous cette forme, des titres continuent à être transmis à la Direction générale des Finances, mais en nombre de plus en plus faible.

Monnaies Tunisiennes :

Un décret du 25 janvier 1921 a autorisé le Gouvernement du Protectorat à procéder à une nouvelle émission de coupures de papier-monnaie de 2 frs, 1 fr. et 0 fr. 50 et a prescrit, en outre, le retrait de la circulation des coupures des anciens types qui étaient sales et détériorées.

Les opérations de retrait et d’échange commencées le 16 février 1921 ont pris fin le 31 juillet suivant.

D’autre part, un décret du 22 décembre de la même année à autorisé la fabrication et la mise en circulation de jetons-monnaie de 2 frs, 1 fr. et 0 fr. 50 en bronze d’aluminium, appelés, en principe, à remplacer dans un avenir prochain les coupures de mêmes quotités. Ils présentent les caractéristiques suivantes :

A l’avers : en français, le mot « Tunisie » et le millésime de l’année grégorienne de fabrication ; en arabe, les mots « Régence de Tunis » et la date hégirienne de fabrication ;

Au revers : les mots « Bon pour deux francs », « Bon pour un franc » ou « Bon pour cinquante centimes », suivant leur valeur respective, ainsi que la traduction en arabe de cette indication.

Billets de la banque d’Autriche-Hongrie :

Les comptables des régies financières du Protectorat ont prêté leur concours au Trésorier général de Tunisie chargé par le Ministère des Finances de procéder au retrait, dans la Régence, des billets de la Banque d’Autriche-Hongrie (exécution de l’article 206 du traité de St Germain).

Monnaie italienne :

Au début de l’année 1921, il était signalé que des monnaies de bronze italiennes circulaient en quantité très importante en Tunisie où elles étaient introduites clandestinement en vue de leur échange contre des billets de banque. La réalisation de cette opération procurait, en raison du cours de la lire italienne, un bénéfice appréciable aux personnes qui s’y livraient.

En même temps que les agissements et les manœuvres des spéculateurs étaient surveillés de près, des instructions précises étaient données aux comptables tunisiens auxquels étaient notamment rappelées les dispositions du décret beylical du 15 décembre 1891 qui a prohibé l’introduction dans la Régence des monnaies de billon de fabrication étrangère et stipulé, en outre, que ces espèces ne doivent pas être acceptées dans les caisses publiques.

A la suite de ces mesures, la monnaie de billon italienne a complètement disparu de la circulation.

Changes :

A l’exemple de la Métropole, quatre décrets beylicaux des 24 janvier, 28 février, 31 mars et 30 avril 1921 ont successivement maintenu en vigueur dans la Régence, jusqu’au 31 décembre de la même année, les dispositions de la loi française du 3 avril 1918, réglementant l’exportation des capitaux et l’importation des titres et valeurs mobilières.

Les indications du répertoire des opérations de change institué en Tunisie comme en France, continuent à être périodiquement transmises au Ministère des Finances à Paris.

Prohibitions de sortie et d’entrée et régime des huiles :

Les nouvelles prohibitions de sortie édictées en Tunisie en 1921, à l’imitation de la législation métropolitaine, ne portent que sur les produits suivants : Lait, même stérilisé ou peptonisé sans concentration (décret du 31 janvier 1921) ; Effets militaires d’habillement, campement, équipement et harnachement (décret du 19 juillet 1921); Jus et sauces de tabac (praiss), nicotines, sels de nicotine et leurs dissolutions (décret du 8 décembre 1921).

A l’importation, seuls les bois résineux en grume ou débités provenant de Tchécoslovaquie ont été interdits par un décret du 30 décembre 1921.

On été rapportées les prohibitions d’exportation qui atteignaient : Les traverses de chemins de fer pour voie étroite (décret du 2 août 1921); Les pommes et poires à cidre et à poiré (décret du 4 septembre 1921) ; Les huiles de pétrole et autres huiles minérales propres à l’éclairage, ainsi que les huiles lourdes et résidus de pétrole et d’autres huiles minérales (décret du 24 septembre 1921); Les dattes autres que celles dites « degla » (décret du 21 octobre 1921) ; La beauxite (décret du 24 octobre 1921) ; Les beurres et fromages à pâte molle (décret du 19 décembre 1921).

D’autre part, la prohibition d’importation atteignant les poivres a été levée pour ceux de ces produits introduits sous le régime de l’entrepôt ou du transit (décret du 21 novembre 1921).

En ce qui concerne les huiles, la redevance d’exportation fixée, en 1920, à 100 frs par quintal (v. Rapport au Président de la République en 1920, page 7), a été abaissée à 50 frs par décret du 11 décembre 1921. Cette redevance cessera d’ailleurs d’être perçue à dater du 1er novembre 1922.

IV — Réformes administratives

Amendes pénales et fiscales. — Un décret beylical du 11 juin 1921 a étendu à la Régence les dispositions de la loi française du 29 avril de la même année qui a prononcé l’amnistie pleine et entière de diverses in fractions commises, suivant le cas, à des dates antérieures au 11 mars ou au 11 novembre 1920.

Mais, à la différence de la loi française et pour des motifs d’ordre intérieur, le texte législatif beylical fait bénéficier de l’amnistie toutes les infractions antérieures au 11 novembre 1 920 prévues et punies par la législation locale dans les matières énumérées à ladite loi.

Trésor français :

La loi française du 5 septembre 1919 a institué un nouveau mode de paiement des pensions qui consiste notamment dans la mise en usage de livrets à coupons trimestriels en tête desquels figure la photographie du titulaire.

Des instructions spéciales, inspirées de celles émanant de la Direction de la Comptabilité publique, ont été données aux comptables du Protectorat en vue de l’application, dans la Régence, des dispositions de la loi susvisée.

Abrogation de l’article 13 du décret du 18 juillet 1905 relatif à l’interdiction du recouvrement des bijoux indigènes en argent. – L’article 13 du décret organique du 18 juillet 1905 sur la garantie des matières d’or et d’argent, maintenait une disposition reproduite de l’ancienne législation beylicale sur la garantie et aux termes de laquelle était interdit le recouvrement des ouvrages en argent ayant la forme et le genre des objets de caractère oriental et en usage chez les indigènes. Lesdits objets ne pouvaient dès lors être mis en vente et vendus qu’après avoir été brisés. Il en résultait qu’à chaque revente successive, les bijoux de l’espèce devaient être refaits à neuf et soumis au poinçonnage moyennant paiement des droits de garantie et d’essai.

La Section indigène de la Conférence consultative a demandé l’abrogation de l’article 13, en faisant valoir qu’il était injuste d’imposer aux bijoux indigènes l’obligation du bris dont sont affranchis les bijoux de fabrication européenne et, d’autre part, de n’assujettir à cette obligation que les bijoux en argent, alors que les ouvrages en or n’y sont pas soumis, bien que ces derniers aient un caractère d’objets de luxe nettement plus marqué que les ouvrages en argent.

Le Gouvernement a cru pouvoir accueillir ce vœu et, après un vote favorable des deux Sections de la Conférence consultative, l’article 13 a été abrogé, à partir du 1er janvier 1922, par un décret du 24 décembre 1921.

Mais cette mesure devait avoir nécessairement pour effet de diminuer le rendement des droits de garantie sur les ouvrages en argent ; aussi le Gouvernement a-t-il demandé à la Conférence de voter des taxes de remplacement. Celles-ci font l’objet des paragraphes ci-après.

  1. Situation économique et financière

Situation économique

En Tunisie, la situation économique dépend de la récolte des céréales. Or, celle-ci qui s’annonçait aux débuts de 1921 comme devant être nettement satisfaisante, a été tout juste moyenne à la suite de circonstances météorologiques défavorables pendant les mois de mars et d’avril ; des pluies par trop tardives et prolongées suivies de chaleurs brusques ont nui au développement et à la maturation des grains, entraînant ainsi un retard dans la moisson et une diminution de près d’un tiers dans les évaluations primitives de la production. La perte a été surtout sensible pour les colons européens qui sont presque les seuls à cultiver du blé tendre très recherché habituellement en France à l’époque de la soudure, en raison de sa précocité et de sa richesse en qualités nutritives ; aussi, non seulement, les exportations de cette céréale ont été faibles, mais encore il a fallu prévoir pour l’année 1922 une importation correspondante de farines à provenir de la Métropole ou de l’Algérie.

Les cultivateurs indigènes, qui sèment surtout du blé dur et de l’orge, ont été plus favorisés. Ils ont également bénéficié, principalement dans le Sahel, d’une abondante récolte d’olives.

La situation ne peut cependant être encore considérée comme satisfaisante en raison des effets désastreux de la campagne agricole 1919-1920 qui ne sont pas entièrement effacés, et il est malheureusement à craindre que, sauf dans le Nord de la Régence, la récolte prochaine ne soit elle-même nettement déficitaire; le Centre et le Sud souffrent en effet actuellement d’une sécheresse prolongée également nuisible aux céréales et aux pâturages; par contre, la récolte des olives y est annoncée comme satisfaisante et l’on peut espérer qu’elle contrebalancera en partie les pertes sur les céréales et le bétail.

Mouvement du commerce :

Les statistiques publiées par la Direction générale des Finances sur le mouvement du commerce général de la Tunisie en 1921 avec la France, l’Algérie et les puissances étrangères, évaluent :

les importations, à                               fr.   721.700.155
les exportations, à                               fr.   672.893.886
et l’ensemble, à une somme de           fr.1.394.594.041

qui dépasse de 421.974.001 frs. les résultats de 1920 déjà très supérieurs à ceux des années précédentes.

L’énorme progression du trafic de la Régence, que ces chiffres font apparaître, est due, en partie, il faut le reconnaître, à cette circonstance déjà indiquée l’an dernier, que les taux d’évaluation utilisés pour l’établissement des statistiques ont été relevés, depuis 1920, pour être mis, sur l’avis d’une commission désignée à cet effet, en harmonie avec ceux adoptés par les douanes algériennes. Le mouvement ascendant des opérations commerciales n’en est pas moins réel et constant.

Les importations accusent de fortes plus-values sur les articles suivants : animaux vivants (30.000 têtes d’ovins importées d’Algérie); produits et dépouilles d’animaux; farineux alimentaires ; denrées coloniales de consommation ; marbre, pierres, terres et combustibles minéraux; colis-postaux.

Des relèvements importants sont également constatés à l’exportation sur les animaux vivants (21.000 têtes de bovins) ; les céréales et leurs dérivés ; les légumes secs ; les huiles d’olives et le plomb métal.

Les rapports précédents sur la situation de la Tunisie étaient appuyés de relevés destinés à faire ressortir la part comparative de la France, de l’Algérie, de l’Angleterre, de l’Italie et des autres pays dans le mouvement des importations et des exportations pendant les 8 dernières années.

Les tableaux ci-après, ont pour objet de permettre de continuer cette étude comparative (voir page 38).

La part de la France dans le total des importations qui était tombée à 30,83% en 1918, pour se relever à 46,66 en 1920 a atteint 50,93% en 1921, regagnant ainsi son niveau des années d’avant-guerre. Celles de l’Angleterre et de l’Italie ont subi, par contre, un fléchissement très marqué.

Situation budgétaire :

Exercice 1920. — Le précédent Rapport a indiqué les conditions générales du fonctionnement de l’exercice 1920, qui faisaient prévoir que cet exercice se solderait par un important excédent de recettes. Ces prévisions favorables se sent réalisées et ont même été dépassées : l’exercice 1920, clos le 30 avril 1921, s’est réglé par un excédent de 24.823.494 25 provenant :
a) de l’excédent des prévisions de recettes sur les prévisions de dépenses, pour 5.576fr.47
b) de la plus-value des recettes sur les évaluations budgétaires, pour 24.610.039fr.89
c) des économies de dépenses sur les crédits ouverts au budget, pour 207.877fr.89

TOTAL égal               24.823.494fr.25

PhotoN3-Rapport1921

Cet excédent est le plus fort qu’ait encore eu le Protectorat, mais il convient d’indiquer de suite qu’il se trouvera absorbé presque pour sa totalité par les besoins auxquels il aura à satisfaire, après prélèvement d’une somme de près de 4.400.000 francs, réalisé par anticipation au cours de l’année 1921, pour faire face aux dépenses de 2e et de 3e parties autorisées par les décrets des 24 mai,4 juillet, 30 septembre, 20 et 27 décembre 1921, qu’il n’a pas été possible de différer en raison de leur caractère d’urgence,
ci                                                                                 fr.4.400.000
savoir:
a) dotation de la 2e partie du budget de 1922 fr.1 3.04 4.060
b) dotation de la 1ère partie de ce budget pour permettre, dans la mesure où elle sera admise dans la Métropole, le paiement de l’indemnité de cherté de vie allouée aux fonctionnaires et employés                                                                 fr.6.800.000
TOTAL                                                                       fr.24. 244.060

Il en résulte qu’il ne sera pas encore actuellement possible de reconstituer à son montant de 3 millions de francs le « fonds de garantie des chemins de fer autres que ceux du réseau de la Medjerdah », aujourd’hui réduit cependant à 500.000 francs par suite de prélèvements régulièrement effectués sur son actif au cours des dernières années.

Exercice 1921 :

Les prévisions de recettes et de dépenses ordinaires de l’exercice 1921 s’élevaient respectivement à 197.676.500 francs et à 197.643.536 fr. 38, laissant, par suite, un excédent de prévisions de recettes de 32.963 fr. 62, supérieur de 27.387 fr. 15 aux prévisions correspondantes de 1920 (voir Rapport sur la situation en 1920, pages 41 et suivantes).

Malgré les difficultés qu’ont fait naître, d’une part, la réalisation d’une récolte de céréales qui, par suite des perturbations atmosphériques du printemps dernier, n’a pas tenu toutes les promesses que son apparence avait fait entrevoir ; d’autre part, la crise commerciale mondiale dont les- effets se sont fait lourdement sentir dans la Régence, l’exécution de ce budget s’est poursuivie normalement et à la date du 15 mars 1922, où le présent rapport est rédigé, il est permis de penser que les recettes escomptées se trouveront intégralement réalisées lors de la clôture prochaine de l’exercice. Elles présenteront, même, sans doute, une légère plus-value qu’il n’est pas encore possible de chiffrer.

[1] Ainsi conçu : ARTICLE UNIQUE. Est tunisien :

1° — tout individu résidant en Tunisie qui ne jouit pas de la qualité de citoyen ou de sujet français ou étranger en vertu des traités ou conventions liant le Gouvernement tunisien.
2° — tout individu né en Tunisie ou à l’étranger d’un père tunisien, ou, si le père est inconnu, d’une mère tunisienne, antérieurement ou postérieurement à la promulgation du présent décret et résidant en Tunisie ou à l’étranger.

Voir le rapport entier (pdf)

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