Réformes nécessaires aux États musulmans: Introduction (2/4)

  • 31 décembre 2018
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Réformes nécessaires aux États musulmans: introduction 2
31 Déc

Ce qui, du reste, est conforme à la tradition rapportée par Moslem et recueillie par Mestour, dans une conversation qui eut lieu chez Omar-ben-el-Aas. Moslem raconte donc qu’un des interlocuteurs s’étant exprimé ainsi : « J’ai entendu dire au Prophète « L’heure dernière viendra et les Occidentaux seront les plus nombreux parmi les nations », Omar lui demanda « Vous êtes-vous bien rendu compte de ce que vous dites? » et que l’interlocuteur ayant répondu: « Je n’ai fait que répéter ce que j’ai entendu dire au Prophète », Omar reprit : « Puisque vous avez rappelé ces paroles du Prophète, je vous dirai, à mon tour, que cela aura lieu, parce qu’on trouve en eux quatre qualités principales : ils sont très généreux dans les combats, très-prompts à recommencer la lutte après un revers, très-persévérants dans la défense, très-bienfaisants envers les faibles, les orphelins et les malheureux, et ils en ont une cinquième plus belle encore, qui est leur haine pour le despotisme des souverains. »

Disons maintenant à quel degré de richesse et de puissance est parvenue la société islamique lorsque les principes salutaires que nous avons mentionnés en partie étaient scrupuleusement respectés, et que, sous des chefs vigilants se trouvait en vigueur une sage administration, basée sur la loi théocratique, et conforme aux prescriptions de la justice.

Ce n’est, en effet, que par une pareille conduite que peut s’affirmer et se populariser la politique, et qu’il devient utile de la connaître. Alors les opinions se forment dans le sens de l’état social tel que Dieu l’a voulu, et auquel il a donné, comme moyen de salut, une balance infaillible, qui est la justice car c’est sur elle que le créateur a assis son œuvre, ce n’est que par elle que peut se réaliser le bonheur de ses créatures, et sa bénédiction est assurée à quiconque aura travaillé sincèrement à le produire.

L’auteur de l’ouvrage intitulé Les opinions dévoilées, rapporte ces paroles de quelques savants : « Si les hommes savaient au juste combien est agréable à Dieu la vivification, la fertilisation de sa terre, on ne trouverait pas sur toute sa surface une seule parcelle en ruine.

Quant à la richesse de l’empire islamique à l’époque dont nous parlons, l’historien Makrizi rapporte ce qui suit : « Le khalife El Mamoun, faisant une tournée en Egypte, avait l’habitude de séjourner vingt-quatre heures dans chaque ville ; mais ayant passé, sans s’y arrêter, devant un village nommé Taa-el-Némel, il fut prié instamment d’y revenir, pour recevoir l’hospitalité d’un vieux cophte, faisant partie des notables de la localité.

Le khalife consentit, et elle pourvut somptueusement à son entretien et à celui de sa nombreuse escorte. Au moment du départ, elle lui lit présent de dix bourses remplies de pièces d’or, toutes au même millésime. Le khalife étonné, s’écria : « Qui sait si le trésor public pourrait nous montrer autant de pièces de monnaie portant la même date que celles-ci ? » et il pria cette femme de reprendre son or, pour lui épargner un trop grand sacrifice ; mais elle s’y refusa obstinément, et ayant ramassé de la terre dans sa main, elle dit au khalife Celui-là, en indiquant l’or, m’a été rapporté par celle-ci, et par votre justice, ô commandeur des croyants; et j’en ai encore beaucoup chez moi. Le khalife finit par accepter, et, après l’avoir récompensée on augmentant largement ses possessions, il partit, tout émerveillé de tant de richesse privée. Ce qui était une preuve évidente de la prospérité du pays.

Le même historien rapporte encore que la capitation en Égypte, sous le gouvernement des premiers khalifes, monta à 14 millions de dinars en or ; ce qui ferait aujourd’hui à peu près 700 millions de francs. Or, cette somme n’était qu’une partie du revenu d’une seule province, et la perception, bien loin d’être arbitraire, se faisait alors de la manière la plus équitable.

Ebn Khaldoun raconte aussi dans ses prolégomènes que les métaux précieux apportés au trésor, sous le gouvernement de Reschid-el-Abbessi, s’élevèrent à 7,500 quintaux d’or ; ce qui représente environ un milliard quatre cent mille francs.

Les conquêtes extraordinaires des musulmans, qui sont relatées par nos historiens et par les écrivains étrangers, et les traces frappantes qu’elles ont laissées, attestent la grandeur de la puissance islamique, fondée sur la justice de la loi et sur l’union de la nation. On lit, à ce sujet, dans l’histoire du moyen âge, traduite du français, par Seid Ahmed Zarabi, égyptien, que l’islamisme a conquis en quatre-vingts ans plus de pays que n’en avaient conquis les Romains pondant huit siècles.

Il est donc impossible à tout homme impartial de no pas reconnaître ce qu’il y eut alors, dans la société musulmane, de prospérité, de richesse et de puissance militaire, découlant de la justice et de la concorde, qui sont la force des royaumes, de l’intégrité des magistrats dans l’administration publique, de la protection accordée aux lettres, aux arts et aux sciences, toutes choses que les Européens nous ont presque toujours empruntées, et dans lesquelles leurs historiens impartiaux reconnaissent, comme nous l’avons déjà observé, la priorité à la société musulmane. Nous lisons, à ce sujet, dans un livre destiné à l’instruction de la jeunesse, intitulé « Histoire de France et du moyen âge du Ve au XIVe siècle, par M. Duruy, actuellement ministre de l’instruction publique en France: « Tandis que l’Europe, etc. » L’auteur traduit et cite textuellement tout le passage relatif à la civilisation des Arabes, pages 200 à 204. Il ajoute ensuite la traduction de la préface et de plusieurs passages de l’histoire des Arabes par M. Sédillot, puis il continue en ces termes :

Après cette période de splendeur, l’empire musulman commença à tomber en décadence, en se partageant en trois royaumes : celui des Abbassides, à Bagdad; celui des Fatimides, en Egypte et en Afrique, et celui des Omeyades, en Espagne. Survinrent ensuite d’autres guerres civiles, et ces royaumes eux-mêmes subirent des démembrements, particulièrement celui d’Espagne, dont presque chaque province devint une principauté indépendante.

La cause de ces démembrements fut la rivalité et la jalousie réciproque des chefs, aidés dans leurs tentatives d’indépendance par des esprits remuants et ambitieux. Ni les uns ni les autres n’avaient calculé le danger commun résultant de ces divisions, qui amenèrent la chute de la domination musulmane en Espagne. Dans les autres royaumes, on vit tant de désordres que leur ruine aurait été complète si la Providence n’avait suscité les sultans de la famille ottomane, qui réunirent la plupart des pays musulmans sous leur glorieuse souveraineté, fondée l’an 699 de l’hégire.

Alors l’empire musulman recouvra son ancien éclat, grâce à leur bonne administration, à leur sage politique, à leur respect pour la loi et à leur vigilance à sauvegarder les droits des sujets grâce à leurs conquêtes surprenantes, qui ne peuvent être comparées qu’à celles des premiers khalifes, et grâce aussi à leur marche rapide dans la voie du progrès, particulièrement sous le règne de Soliman, fils du sultan Sélim, au Xe siècle de l’hégire. Ce prince s’empressa de conjurer los dangers à venir par la promulgation de son code politique d’une incontestable utilité, qu’il jura le premier avec tous les grands de l’empire d’observer et de faire observer, et pour la confection duquel il s’aida du concours des hommes les plus éclairés et les plus expérimentes de ses États. Voici les principales dispositions de ce code :

L’administration de l’empire est placée sous la sauvegarde des ulémas et des ministres, auxquels appartient le droit de faire des remontrances au souverain, dans le cas où il s’écarterait du droit chemin, parce que la souveraineté est basée sur la loi politico-religieuse, qui, comme nous l’avons vu précédemment, ordonne au chef de prendre conseil avant d’agir, et prescrit formellement à tous d’empêcher le mal, ce à quoi les ulémas sont les plus propres, parce qu’ils possèdent la science du droit de même que les ministres sont plus particulièrement en état d’apprécier les affaires purement politiques et la raison des temps.

Si les ulémas et les ministres voient dans les actes du souverain quelque chose de contraire à la loi politico-religieuse, ou à ce même code, qui n’en est que l’interprétation orthodoxe, ils devront suivre les prescriptions de la religion concernant l’empêchement du mal, c’est-à-dire, qu’ils commenceront par avertir le souverain ; et, si cela suffit, le but est atteint. Dans le cas contraire, ils devront prévenir les chefs du l’armée que leurs remontrances sont restées sans effet. Enfin, le même code indique le moyen extrême qui doit être employé, si le souverain persiste à violer la loi et à suivre ses caprices c’est de le déposer et d’élire à sa place un autre membre de la famille régnante.

Ainsi, selon les prescriptions et l’esprit de ce code, le rôle politique des ulémas et des ministres est le même que celui que remplissent aujourd’hui dans les gouvernements constitutionnels de l’Europe, les chambres représentatives, dont nous aurons à parler et on pourrait même dire que ce rôle est encore plus élevé, puisqu’aux motifs d’ordre temporel qui nécessitent et légitiment ‘le contrôle, se joint chez nous le commandement religieux.

Par l’effet salutaire de ce code, le gouvernement continua sa marche vers le progrès. Mais après s’être maintenu quelque temps dans cette voie, il rétrograda et se créa lui-même des causes de faiblesse et de décadence. On cessa de travailler, comme autrefois, au bien-être du pays, et, par suite, on négligea les préceptes de la loi religieuse et les prescriptions de la loi politique, octroyée précédemment avec tant d’éclat et de solennité. On n’apporta plus une attention scrupuleuse dans le choix des fonctionnaires chargés des branches les plus importantes de l’administration, et la plupart d’entre eux finirent par mettre leurs propres intérêts au-dessus de ceux du gouvernement et du bonheur des administrés.

D’un autre côté, parmi les janissaires, s’introduisirent de déplorables abus, qui en affaiblirent l’organisation et l’obéissance, & tel point qu’ils intervinrent arbitrairement dans les affaires de l’État, et qu’ils troublèrent souvent la tranquillité publique par toute sorte de violences, après avoir été cités partout comme des modèles de discipline et de courage sur les champs de bataille.

De tout cela et d’une foule d’autres causes, il résulta un mécontentement général dont les chefs des provinces éloignées profitèrent pour ne plus obéir aux ordres du gouvernement central et pour donner libre carrière & leurs caprices et à leurs passions effrénées.

Tous ces désordres réduisirent la plupart des sujets non musulmans & chercher protection chez les gouvernements étrangers car l’homme qui a perdu l’espoir d’être garanti par la loi du pays, dans sa personne; dans ses biens et dans son honneur, se donne volontiers à celui qu’il croit le plus capable de le protéger, et il cherche même, en obtenant protection, l’occasion de se venger, particulièrement lorsqu’il n’est pas de la même race et de la même religion que ses gouvernants.

Ces mêmes désordres résultant d’une administration sans contrôle, et n’ayant aucune sorte d’institutions soit politiques, soit politico-religieuses, ont fourni aux puissances étrangères un spécieux prétexte pour s’immiscer dans les affaires intérieures de l’empire et pour entraîner le gouvernement dans une politique presque toujours antinationale et souvent contradictoire, suivant les vues et les intérêts particuliers de ces mêmes puissances. Le mal s’accrut tellement que, sur plusieurs points du territoire, il en résulta des guerres civiles, dont la longue durée a dévoré une infinité d’existences et des sommes énormes, et a facilité à des provinces importantes les moyens de se détacher de l’empire. Dans les provinces restées soumises, l’anarchie prit des proportions qui auraient causé des maux incalculables et la ruine complète de l’État, sans les remèdes énergiques et intelligents apportes successivement par le sultan Mahmoud et par ses deux fils et successeurs, Abd-el-Medjid et Abd-el-Aziz Khan savoir :

Le premier (le sultan Mahmoud), par la destruction des janissaires, que des troupes régulières ont remplacées, par la centralisation du pouvoir par la soustraction des provinces de l’empire à l’action dissolvante des anciens chefs cupides et ambitieux, connus sous le nom de dera-beys ;

Le second (le sultan Abd-el-Medjid), par la promulgation du khatti chérif de Gulhané en 1255 (1839) et du khatti houmaïoun (1856), réformes incontestablement libérales, et qui sont encore aujourd’hui la base organique de l’administration de l’empire; Le troisième (le sultan Abd-el-Aziz), par son empressement à exécuter et à développer les réformes précédentes, au moyen de nombreuses ordonnances contenant toutes les ampliations reconnues conformes aux besoins de l’époque, et basées sur l’expérience, et, en dernier lieu, par la loi sur les provinces, mesure de haute portée dont on peut se promettre les plus heureux résultats.

Au commencement du règne du sultan Abd-el-Medjid, la foule se montra contraire aux nouvelles institutions politiques, décrétées en vertu du khatti chérif de Gulhané et appelées Tanzimat khaïryé et dans quelques parties de l’empire, il y eut des révoltes fomentées par des gouverneurs et leurs partisans, qui ne demandaient pas mieux que de continuer à administrer sans contrôle, et qui, sachant que l’application de ces cormes aurait mis fin à leur gestion arbitraire et à leurs concussions, simulèrent un faux zèle religieux et publièrent parmi les populations tout ce qui pouvait rendre ces réformes odieuses, entre autres choses, que ce qu’on venait de promulguer était une loi nouvelle en opposition avec la loi de l’islamisme.

Et en cela, il faut le dire, ils ont été puissamment aidés par les gouvernements étrangers, qui avaient intérêt à faire avorter ces réformes, à cause du bien qu’elles dussent produire, par la régularisation et l’amélioration des affaires administratives. Mais, loin de profiter de ces mécontentements et de saisir l’occasion de revenir au système de l’arbitraire, ainsi que cela s’est vu dans d’autres pays musulmans, le gouvernement s’appliqua à détruire ces insinuations calomnieuses et intéressées.

A cet effet, le cheikh el Islam Aref Bek, personnage éminent et le plus pieux de son époque, fut envoyé dans les provinces où régnait l’agitation, avec mission d’éclairer les populations et de les faire rentrer dans le respect et l’obéissance. Cet homme supérieur remplit son importante mission, en expliquant dans les chaires publiques que les tanzimats, loin d’être en opposition avec la loi religieuse, lui servaient au contraire d’appui, par la réorganisation du temporel, qui avait déjà été l’objet de l’ancienne loi politique; que le seul but de ces réformes était d’améliorer le pays, de protéger les droits des particuliers dans leurs personnes, dans leurs biens et dans leur honneur et d’établir une barrière contre les actes arbitraires. Les mécontents, rentrant alors dans la bonne voie, restèrent en repos, et les tanzimats furent partout appliqués et en vigueur autant que les circonstances le permirent.

Si un homme comme ce grand juge religieux, dont la renommée est universelle parmi nous et dont la science, la piété et l’expérience ont été reconnues et proclamées par nos savants les plus distingués et particulièrement par notre éminent et regrettable cheikh Sidi Ibrahim el Riahi, si un tel homme, dis-je, n’avait pas été convaincu que les tanzimats étaient acceptables et conformes aux prescriptions et aux principes de la loi religieuse, jamais il n’en aurait demandé le maintien et l’application, jamais il n’en aurait fait l’éloge dans la chaire sacrée, et on no l’eût point vu montrer toute l’ardeur de son zèle et la plus énergique insistance pour éclairer ceux qui étaient chargés de les appliquer.

En considérant ces réformes d’un œil impartial, on doit convenir de leur bonté et de leur opportunité ; mais il faut admettre aussi et proclamer hautement que l’application franche et loyale de ces mêmes réformes et leur développement successif et pondéré sont les plus fermes garanties de la durée du gouvernement et les moyens les plus efficaces pour lui de recouvrer son ancienne splendeur.

La voie libérale dans laquelle ces trois souverains sont entrés et les réformes salutaires qu’ils ont opérées, ont sensiblement amélioré les affaires de l’empire et augmenté le bonheur dos sujets,desorte que tout homme impartial qui comparera l’état de choses actuel avec celui qui précédait ces réformes, sera forcé de reconnaître qu’elles ont produit de bons résultats. Mais un certain nombre de musulmans, d’accord avec les sujets non musulmans de l’empire, trouvant ces réformes insuffisantes, réclament instamment la liberté la plus large pour contrôler les actes du gouvernement, en vertu d’institutions que devrait établir et sauvegarder une assemblée composée de membres élus par.la nation tout entière ; et, dans ces derniers temps, si l’on en croit les feuilles publiques, ils auraient accentué leurs prétentions avec un redoublement d’énergie.

Quoique nous n’ayons pas sur l’administration actuelle de l’empire, et particulièrement sur l’application des réformes édictées, des renseignements suffisants pour pouvoir apprécier exactement la justesse des raisons sur lesquelles s’appuie ce parti, cependant nous approuvons on principe ses demandes, persuadé qu’elles renferment des éléments de régularité, de force, de prospérité et de considération pour les États et de véritable dignité pour les sujets.

Nous ne doutons pas qu’en demandant ces réformes, les musulmans n’aient en vue que le bien de l’État et le bonheur général mais qu’il nous soit permis de leur demander s’ils sont bien sûrs que les sujets non musulmans qui réclament ces mêmes libertés visent au but sans arrière-pensée, et méritent qu’on leur accorde une confiance pleine et entière. Selon nous, il existe des indices qui permettent de supposer que le butdela plupart d’entre eux estdese soustraire ù la dominationde;a Sublime-Porte, puisque, après avoir obtenu les libertés actuelles, ils n’ont donné aucune preuve de dévouement et d’affection H l’empire, et qu’au contraire, ils ont montré des tendances il se rapprocher du ceux qui sont de la même race et de la même croyance religieuse qu’eux-mêmes, en recherchant toutes les occasions de se proclamer opprimés, et même en fomentant des révoltes partielles, aidés en cela par les suggestions incessantes de quelques gouvernements étrangers, qui ont intérêt à s’attirer leur sympathie et à leur inspirer de la haine et de l’éloignement pour la race dominante par des motifs qui ne sauraient échapper à un observateur attentif.

La concession d’une liberté telle que ce parti la demande, avant d’en avoir bien pesé les conséquences, pourrait devenir un moyen de favoriser les vues secrètes des sujets non musulmans ; car la liberté politique a pour conséquence l’égalité pour tous Us citoyens dans la jouissance et l’exercice de tous les droits. Or, cette égalité peut amener au pouvoir et aux emplois supérieurs tout homme ayant les capacités requises, et, dans ce cas, la liberté ne peut être complètement donnée que lorsque, l’union régnant entre les sujets, ils sont d’accord sur le maintien intégral de l’État, quelle que soit d’ailleurs la divergence des opinions sur les moyens les plus propres à en développer la prospérité et la puissance.

C’est pour des motifs moins importants encore que certains gouvernements européens, ainsi que nous le verrons bientôt en parlant de la liberté en Europe, ont jusqu’ici refusé d’accorder la liberté en question, dans la crainte des partis hostiles dont le triomphe pourrait amener un changement de dynastie. Or, si un pareil refus est reconnu excusable là où ici changement à redouter ne serait qu’intérieur et se bornerait à élever au souverain pouvoir une dynastie qui ne serait étrangère à la nation ni par son origine, ni par ses croyances religieuses, il doit l’être encore davantage là où la prépondérance des partis hostiles amènerait nécessairement le bouleversement de l’État, une dynastie nouvelle et le remplacement d’une race par l’autre.

Il faudrait considérer aussi que les sujets du gouvernement ottoman sont divisés en plusieurs races, qui diffèrent de religion, de langue et de mœurs, ignorant pour la plupart la langue officielle et ne se comprenant pas non plus entre elles, de manière que la délibération et la discussion deviendraient impossibles dans une assemblée composée des représentants de toutes ces races. D’ailleurs, il serait impolitique d’établir des distinctions et d’accorder la liberté aux uns à l’exclusion des autres, à cause des inconvénients, qui en résulteraient. L’état que nous venons d’indiquer est, selon nous, le principal obstacle à l’établissement des réformes telles qu’on les demande et tout homme qui pèsera ces raisons avec impartialité ne saurait, en l’état actuel des choses, blâmer la Sublime-Porte de n’avoir pas encore accordé une complète liberté politique et le parlement on question.

Malgré les difficultés que nous venons de signaler, c’est un devoir pour le gouvernement de persévérer dans ses efforts et de lutter contre des obstacles dont la destruction restera, avec l’aide de Dieu, comme une trace glorieuse du règne du vicaire islamique de notre époque. Animé des meilleures intentions, ce prince ayant pu voir de ses propres yeux l’état de l’Europe, et comparer ce qu’il en avait appris par de simples relations avec les faits constatés par lui-même, nous espérons qu’il s’empressera avec encore plus d’ardeur d’adopter tout ce qui peut conduire à une complète liberté avec le concours des Ulémas et de ses hommes d’État agissant d’un commun accord dans l’intérêt de la religion et de l’empire, et se tenant, par la connaissance de tout ce qui peut le favoriser, & la hauteur du progrès actuel.

Parmi les obstacles qui, dans les pays musulmans; s’opposent à l’introduction des institutions politiques dont nous parlons, il faut ranger le fait des puissances européennes, qui, donnant plus de portée qu’elles n’en ont réellement à des capitulations qui devraient avoir fait leur temps, refusent, contrairement au droit des gens et de la souveraineté territoriale, d’admettre que leurs sujets résidant dans les pays musulmans soient placés sous la juridiction des tribunaux locaux, une fois les institutions politico-civiles promulguées, alléguant que le peu de connaissances et d’instruction des juges musulmans ne présente pas des garanties suffisantes, et que le fanatisme et la haine religieuse contre les chrétiens les empêcheraient d’être impartiaux.

Quant au premier reproche d’ignorance et d’incapacité, il n’est pas permis de supposer qu’on veuille lé généraliser et l’appliquer indistinctement à tous nos juges, tant religieux que civils car tout homme sensé et impartial, tant soit peu au courant des affaires musulmanes, ne peut pas ignorer que les ulémas ont sur les lois et sur la jurisprudence les connaissances les plus étendues et les plus complètes, ce qui leur vaut justement ce titre d’ulémas. Il faut donc supposer que le reproche en question ne s’adresse qu’aux juges civils ; mais, dans ce cas, il n’est pas admissible qu’on puisse formuler une objection qui tendrait & frapper de la même incapacité presque tous les sujets d’un État, de manière à faire croire qu’on ne pourrait rencontrer parmi eux des hommes capables de remplir le rôle de juges, et d’appliquer convenablement les lois qui seraient la conséquence des institutions introduites dans cet État.

Il est vrai que, dans les commencements, il peut se produire, comme conséquence naturelle de toute innovation, des tâtonnements et des retards jusqu’à ce que l’habitude et l’expérience nécessaires soient suffisamment acquises mais cela ne peut aucunement fournir le motif d’une critique anticipée des institutions ou d’un reproche permanent contre les personnes. Nous savons en effet que les gouvernements européens qui ont adopté des institutions libérales n’ont pas atteint, dès le commencement et d’un seul coup, la régularité et la perfection actuelles, mais qu’ils n’y sont parvenus que graduellement et grâce au concours qu’ils ont rencontré dans la concorde entre tes habitants et dans leur soumission à la loi du pays, sans quoi ils n’auraient pu retirer aucun avantage de ces mêmes institutions.

Or, nous voyons que maintenant encore il existe une différence marquée entre les Etats de l’Europe en ce qui concerne la bonté des institutions, la science, la capacité et l’impartialité des juges ; et cette différence n’empêche pas les gouvernements les plus avancés d’accepter pour leurs sujets résidant à l’étranger la juridiction et les jugements des plus arriérés d’entre eux. Cela étant, il faut reconnaitre qu’une pareille objection contre nous n’est que le résultat de craintes et de préjugés qui ne sont justifiés ni par l’expérience, ni par aucune raison vraiment solide. Puisque aucun sujet étranger n’a encore été soumis à la juridiction locale, comment nos adversaires peuvent-ils nous contredire en connaissance de cause, et prouver, pièces en main, la partialité qu’ils reprochent préventivement aux juges musulmans ? Nous répétons donc que tout cela n’est qu’un vain prétexte et la conséquence d’un attachement exclusif à des capitulations surannées et ne convenant plus à notre époque, qui veut pour tous l’égalité et l’impartialité.

Quant à l’objection qui s’appuie sur le fanatisme et la haine religieuse des musulmans contre les chrétiens, elle peut être aisément rétorquée comme s’appliquant aux chrétiens aussi et les musulmans auraient également le droit de penser que les chrétiens, par aversion ou par fanatisme, ne seraient pas à leurs égards impartiaux dans leurs jugements. Mais la vérité est que la différence des cultes ne peut avoir aucune influence sur le juge musulman, qui, connaissant le droit public et privé, sait par état que la nationalité ou la croyance religieuse ne constitue ni un mérite ni un défaut aux yeux de la justice, que l’impartialité en est un des éléments essentiels, et qu’il doit, quelles que soient les parties, prononcer uniquement d’après la loi, pour se conformer aux préceptes de la religion, qui est le grand régulateur sur la matière et l’ennemie de toute partialité. Nous lisons en effet qu’avant de se convertir à l’islamisme, Zéid ben Sâna s’étant rendu chez le Prophète (que le salut soit sur lui !) pour lui réclamer le payement d’une dette, le saisit par son manteau et le tira si rudement que des traces de cette violence furent visibles sur son cou, et qu’il dit : « Ô descendants d’Abd-el-Mottaleb, vous êtes des débiteurs négligents. » Omar, qui était présent à cette scène, s’emporta contre ben Sâna, et lui reprocha énergiquement son étrange procédé dans la manière de réclamer sa créance. Mais le Prophète lui dit: « Lui et moi, nous attendions de toi autre chose que cela, Omar ; tu aurais dû d’abord me recommander à moi t’exactitude dans le payement, et à lui dos ménagements dans la réclamation. Puis, ayant ajouté : « Ce créancier est venu trois jours avant l’échéance, » le Prophète ordonna néanmoins à Omar de le solder sur le-champ, et d’ajouter vingt mesures en sus pour la frayeur que lui avait causé son emportement. C’est alors que ben Sâna se fit musulman.

Les Sahaba (compagnons du Prophète) ne se sont jamais écartés de cette règle d’impartialité, recommandée et ordonnée par la loi, et ils l’ont prêché d’exemple. En effet, on sait qu’un juif s’étant rendu chez le khalife Omar ben-eI-Khattab, à propos d’une contestation qu’il avait eue avec Ali, neveu et gendre du Prophète, et qui fut plus tard quatrième khalife, y trouva ce dernier assis. Omar dit alors à Ali : « Levez-vous, ô modèle des pères, et asseyez-vous à côté de votre adversaire. » Mais ayant vu qu’à ces paroles Ali changea de visage et parut mécontent, dès que l’affaire fut terminée, il lui dit : « Comment se fait-il que vous soyez fâché de ce que je vous ai invité à vous asseoir au même rang que votre adversaire ? » Ali lui répondit : « Je ne suis pas fâché de cela, mais parce que vous m’avez fait un compliment devant mon adversaire. »

Dès lors, comment pourrait-on soupçonner de partialité en faveur de la partie musulmane contre la partie chrétienne k juge à qui sa religion fait un devoir d’imiter et de suivre exactement dans l’application de la loi, la pratique des premiers khalifes, étoiles de vérité ?

Après cela, nous disons qu’un homme impartial no peut refuser de reconnaitre, dans les quartésdejuge musulman, telles que nous venonsdeles indiquer, une garantie suffisante de sou impartialité, comme il est obligé d’avouer qu’il est impossible qu’une loi, une fois sa nécessité admise, atteigne le but pour lequel elle a été promulguée, et produise les bons effets qu’on en attend, si elle ne peut être appliquée qu’à une partie seulement des habitants et particulièrement si ceux qui sont ainsi soustraits, contrairement à tous les principes, à l’action de cette loi, ont entre leurs mains presque toutes les branches du commerce et de l’industrie du pays.

De plus, non contents des obstacles apportés à l’introduction des réformes, en empêchant leurs sujetsdese soumettre ù l’action des lois locales, une fois qu’elles seraient promulguées, certains gouvernements européens ont cherché et cherchent encore à soulever les sujets de quelques États musulmans contre l’acceptation des institutions politiques et administratives que leurs souverains voudraient octroyer de leur propre initiative, et ils disent à ces sujets : « Les institutions qu’on veut vous donner ne vous conviennent nullement; elles ne sont pas appropriées à votre état social, et il vaut mieux pour vous rester comme vous êtes ». Et, tout en faisant répandre de telles insinuations, ces gouvernements et leurs agents n’ignorent certainement pas qu’ils se mettent par là en contradiction avec les principesdeleur propre organisation politique, et qu’ils donnent ainsi des encouragements directs à l’arbitraire et au despotisme, en profitant de l’ignorance des masses.

D’autres gouvernements européens disent aux sujets dos pays musulmans, où des institutions sont en vigueur : « La liberté dont on vous a gratifiés est incomplète ; elle n’est pas suffisante pour garantir et sauvegarder vos droits vous devez en réclamer l’extension ». Et ils tiennent ce langage, quoiqu’ils sachent qu’on réalité cette liberté qu’ils déclarent insuffisante pour les autres, est beaucoup plus grande que celle qu’ont pu obtenir d’eux leurs propres sujets.

Après cela, et en présence de ces contradictions, il faut nécessairement admettre que les gouvernements dont nous venons de parler ne peuvent avoir, en donnant ces conseils, d’autre but que d’entretenir le mécontentement et l’agitation dans les pays musulmans, pour en empêcher le progrès et la régénération.

En résume, il est incontestable que la politique des gouvernements européens, en ce qui concerne les pays musulmans, est contradictoire, et que celle des uns est de tous points opposés à celle des autres. Car quelques-uns d’entre eux appuient certains gouvernements musulmans et sont disposés à les aider pour l’introduction d’institutions politiques adaptées à leurs besoins sociaux. D’autres s’opposent à toutes réformes dans un pays musulman, tandis qu’ils insistent pour leur application dans un autre, selon que cela convient à leurs intérêts politiques.

Malgré ce qui vient d’être dit au sujet de cette politique, je dois à la vérité d’ajouter qu’en ce qui concerne les capitulations, j’ai pu constater d’après mes entretiens, avec des hommes d’Etat de plusieurs grandes puissances occidentales, que leurs gouvernements reconnaissent sans difficulté que ces capitulations ne répondent plus aux besoins de l’époque, et qu’en principe, ils ne sont pas opposés à leur remplacement par des conventions en harmonie avec le droit international moderne.

Mais, pour en venir là, ils demandent avant tout, comme garantie efficace des droits de leurs sujets, l’organisation de tribunaux, dont le fonctionnement régulier leur permettrait de faire des concessions, au fur et à mesure des progrès acquis et de la consolidation du nouvel ordre de choses. Or, le maintien du régime actuel étant, comme nous l’avons vu, un obstacle au développement régulier des affaires publiques, et, d’autre part, ces gouvernements européens ne voulant consentir à aucun changement, si ce n’est aux conditions ci-dessus énoncées, j’en conclus que les gouvernements musulmans sont dans l’obligation d’obvier à toutes les difficultés par la concession des garanties demandées.

La société islamique étant régie dans ses affaires temporelles et spirituelles par une loi d’origine céleste, qui se trouve renfermée dans des limites fixées par Dieu même, et placée par conséquent sur la balance la plus parfaite, doit trouver et trouve en effet dans cette même loi toujours et partout les éléments essentiels de bonheur et de prospérité pour ce monde et pour l’autre. Or, cette société, comme toute autre, a des besoins d’une importance incontestable, qui, dans quelques circonstances, atteignent les proportions de nécessités sociales, et dont la satisfaction est seule capable d’amener la réglementation et le perfectionnement des affaires de l’État.

Les moyens pour y parvenir peuvent être de nature différente et varier indéfiniment, selon les temps et l’état des mœurs et lorsque notre loi ne les indique pas formellement, comme elle ne les interdit pas non plus, la saine interprétation de cette loi indique qu’il faut les prendre en considération, les adopter et en favoriser l’application.

Mais l’examen et l’emploi successif des moyens qui doivent remédier aux nécessités sociales, et contribuer avec le progrès, au bonheur de la nation, ne peuvent avoir lieu que par la concorde et par la réunion d’une partie de la nation, composée de membres éclairés appartenant à la classe des ulémas et à celle des hommes versés dans la politique, au courant des affaires intérieures et extérieures, connaissant les causes du mal et la nature des remèdes, et se prêtant, dans l’intérêt du peuple, un appui réciproque pour procurer le bien et empêcher le mal.

C’est donc aux hommes d’État, à cause de leurs connaissances spéciales, d’indiquer les besoins ou le mal et de proposer les remèdes, et c’est aux ulémas de prendre en considération les moyens indiqués par les hommes d’État, et d’en légitimer l’application par une saine et savante interprétation de la loi. Or, tous les ulémas qui examineront d’un œil attentif la situation de leur pays, en tenant compte des conditions intérieures et extérieures, ne pourront se refuser n venir en aide aux hommes d’État dans l’organisation d’institutions appuyées sur les bases de la loi théocratique et, partant du principe qu’il faut faire le plus de bien et éviter le plus de mal possible, ils veilleront avec empressement à ce que ces institutions soient en rapport avec les principes fondamentaux de la loi théocratique, ou avec ce qui en découle naturellement et en constitue le développement et les ramifications, et ils se rappelleront surtout la maxime généralement attribuée à Omar ben Abd-el-Aziz : « Que la politique, comme la jurisprudence pratique, doit varier selon les circonstances ».

Il résulte de ce qui précède que seules les bases de la loi religieuse sont invariables et ne peuvent être modifiées par les révolutions du temps.

En relisant la savante dissertation du chef des hanafias, le cheikh Sidi Mohamed Bayrem premier, on trouvera des preuves qui confirment ce que nous venons d’avancer. Après avoir dit, comme définition, que « l’action du gouvernement selon la loi comprend tous les moyens par lesquels on se trouve le plus près du bien et le plus loin du mal, quand même ils n’auraient été ni indiqués par le Prophète, ni révélés par l’esprit de Dieu », ce jurisconsulte éminent blâme également ceux qui, dans l’interprétation relative au cercle dans lequel doit se mouvoir l’action du gouvernement, se tiendrait systématiquement dans les externes, et il dit que celui qui s’en tiendrait rigoureusement a la lettre, se mettrait dans le cas ou de ne pas sauvegarder le droit, ou d’empêcher l’action de la justice, ou de favoriser indirectement la violation de la loi; et que celui qui, dans l’interprétation rationnelle touchant l’esprit (le la loi, franchit les limites permises sort tout à fait du cercle de la loi, et ouvre la voie à l’injustice et à l’arbitraire sous toutes ses formes.

Le cheikh Bayrem cite ensuite Ebnou Kayem-el-Djowzïé, qui rapporte à son tour que Ebni Akil, appelé à se prononcer sur cette proposition : « qu’il ne saurait y avoir d’autre politique (l’action du gouvernement quant au temporel) que celle qui est approuvée par la loi », répondit a son auteur : « Si par-là vous entendez que, dans la latitude qui lui est laissé, le gouvernement doit éviter de se mettre on opposition avec les principes explicites de la loi, ou avec ce qui est la conséquence légitime, vous avez raison; mais si vous entendez que l’action du gouvernement ne peut s’exercer qu’autant que la loi a parlé, et qu’elle doit s’arrêter devant son silence, c’est là une erreur grossière et une censure injuste de la doctrine des compagnons du Prophète et de la pratique qu’ils ont constamment suivie ». Et il cita à l’appui plusieurs exemples de la politique adoptée par ces derniers.

Le même cheikh Bayrem dit encore qu’après avoir relaté ce qui précède, Ebn-el-Kayem ajouta, à propos de la jurisprudence pratique, d’autres développements dont la conclusion est que, là où l’on voit des sentiers conduisant il la découverte de la vérité, à l’application de la justice et de l’équité, de quelque côté que viennent ces sentiers, qu’ils soient indiqués par la loi, ou simplement reconnus par l’homme, là est la loi temporelle de Dieu, car il répugne à sa bonté de supposer que, n’ayant indiqué que quelques-uns de ces sentiers, il ait voulu interdire tous les autres.

A propos de la jurisprudence basée sur la coutume, on demanda à El Karafi, « si, la coutume venant il changer, on doit changer aussi la loi, ou bien si l’on doit dire que nous no sommes que de simples observateurs des règlements établis par nos prédécesseurs, et que nous ne pouvons pas faire une loi nouvelle, n’ayant pas qualité pour prendre sur nous la responsabilité d’une innovation quelconque ». Il répondit que : « la prétention d’appliquer des lois basées sur une coutume qui a cessé d’exister aux actes qui sont le résultat d’une coutume nouvelle, provient de l’ignorance de la loi, et que la jurisprudence fondée sur la coutume doit changer avec elle, sans que ceux qui reconnaissent la nécessité de ce changement puissent être considérés comme auteurs d’une innovation interprétative de la loi, parce que c’est une maxime constante et reconnue par l’accord unanime des plus savants jurisconsultes. »

Ebnou El-Kayem a rangé parmi les effets de l’ignorance et les erreurs les plus grossières, la supposition que notre loi politico-religieuse ne puisse se prêter il toutes les exigences du temporel suivant les conjonctures, en ajoutant que cette ignorance et cotte erreur ont permis aux souverains de violer la loi politico-religieuse et de franchir les limites axées par la religion, pour commettre dans l’administration toute sorte d’actes arbitraires, sans même respecter les apparences et sans pouvoir prétexter la moindre excuse.

Le même cheihk, Bayrem, dit « enfin que la cause principale de tous ces désordres qui sont résulté de l’ignorance et de l’erreur sur la prétendue insuffisance de la loi islamique, a été l’interprétation matériellement littérale et par trop étroite de certains ulémas, qui, ne tenant aucun compte de l’esprit de la loi, et voulant rétrécir ce que Dieu a élargi, ont ainsi poussé les chefs politiques à violer, en désespoir de cause, la loi politico-religieuse, et, pour ce qui concerne le temporel, à ne plus s’enquérir des prescriptions et des limites qu’elle a établies.

Khair-Eddine Le Tunisien,
Traduit en français, le 9 septembre 1867

Réformes nécessaires aux États musulmans: Introduction (3/4)

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