“Après les éminents orateurs qui viennent d’exalter comme il convient l’œuvre de Paul Cambon, je sens combien il est délicat de leur succéder et de reprendre un thème qu’ils ont admirablement développé. Toutefois, je tiens à m’acquitter de deux devoirs également agréables. D’abord apporter les sincères souhaits de bienvenue de la population indigène à tous ceux qui sont venus de France et de l’étranger, plus particulièrement à Messieurs les Ministres et Ambassadeurs Maurice Bompart, Henri Cambon et Roger Cambon, dont la présence à cette grandiose cérémonie contribue largement à en rehausser l’éclat.
Ensuite dire combien cette même population est heureuse de communier une fois de plus par le cœur et par la pensée avec la colonie française et de donner à cette inauguration son véritable caractère de manifestation, autour d’un grand nom, de cette union franco-tunisienne préconisée par Paul Cambon lui-même. Notre joie est d’autant plus vive que les tunisiens qui ont le culte de la reconnaissance n’ont pas oublié tout ce que leur pays a gagné aux géniales réformes entreprises au lendemain du Protectorat par le successeur de Théodore Roustan et qui ont porté principalement sur l’assainissement de nos finances et sur l’institution de ce régime foncier que nous envient beaucoup de pays.
Aussi la Régence, en élevant ce monument à Paul Cambon, ne fait-elle que s’acquitter d’une dette de gratitude envers l’un de ses plus illustres et plus remarquables administrateurs. Car malgré ses autres titres de gloire et les inappréciables services qu’il a rendus à Madrid, à Constantinople et notamment à Londres où il a été l’éminent artisan de l’entente cordiale, Paul Cambon demeurera avant tout, pour nous Tunisiens, le grand organisateur du Protectorat et le premier Résident général qui nous a accordé sa confiance et qui nous a apporté avec lui le souffle pur et vivifiant de la France.
Son libéralisme hautement clairvoyant lui fit apparaître la nécessité d’associer largement les indigènes à la mise en valeur et à l’administration de la Régence et entrevoir tout le parti que la France pouvait tirer d’une politique de collaboration sagement et sincèrement poursuivie. Entre les deux races et les deux civilisations, là où d’autres croyaient découvrir des contrastes, lui apercevait des affinités cachées. Grâce à lui, l’union entre Français et Indigènes dont il fut le précurseur est aujourd’hui chose faite et évolue même dans le sens d’une compénétration mutuelle de plus en plus intime, compénétration où chacun conserve ses caractéristiques propres. La plus grande France y a gagné à coup sûr en richesse et en puissance, car la variété, dans le domaine politique plus peut-être que dans le domaine économique, est une source de possibilités infinies.
Cette conception noble et généreuse du Protectorat, qui a été celle de Paul Cambon et de tous ses successeurs, s’est trouvée amplement justifiée par un loyalisme qui ne s’est pas démenti une seule fois pendant un demi-siècle et qui fait qu : à l’heure actuelle il n’y a pas en ce pays des conquérants et des conquis, mais des protecteurs et des protégés également animés du sincère désir de collaborer de plus en plus étroitement à la prospérité générale.
Honneur donc à Paul Cambon, bienfaiteur de la Tunisie, qui lui a voué une éternelle reconnaissance et dont les fils sont les premiers aujourd’hui à s’incliner bien bas pour saluer sa glorieuse mémoire, inséparable à jamais de l’histoire du rayonnement de la civilisation et de l’influence française.” M’Hamed Chenik Vice-Président de la Section Indigène du Grand Conseil – 21 mai 1928
La Tunisie et Paul Cambon
Auteur : Gaston Dubourdieu
Date d’édition : 1929
Lire aussi: Hommage de la Tunisie à Paul Cambon – 1928
