Rapport au Président de la République sur la situation de la Tunisie en 1892

  • 31 décembre 2018
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100 francs français en Tunisie en 1892
31 Déc

MONSIEUR LE Président,

J’ai l’honneur de vous présenter le rapport sur la situation de la Tunisie pendant la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1892. L’année qui vient de s’écouler a été marquée par des événements douloureux, dont j’ai le devoir, au début de ce travail, de rappeler le souvenir.

Le 27 octobre, notre Résident général, M. Massicault, quittait Paris pour rejoindre son poste. Dès son arrivée a Tunis, il tombait gravement malade et, quelques jours après, il succombait. Appelé, au mois de novembre 1886, à succéder à M. Paul Cambon, en qualité de Résident général de la République française en Tunisie, M. Massicault occupait depuis six ans ces hautes fonctions, pour lesquelles l’avaient désigné les éminentes qualités dont il avait fait preuve à la tête de plusieurs préfectures importantes et en dernier lieu de la préfecture de Lyon.

Ainsi que le rappelait mon prédécesseur, en rendant, au nom du Gouvernement, un dernier hommage à la mémoire du Résident général, M. Massicault sut très heureusement s’inspirer des idées et des vues de son devancier, qui avait le premier tracé les lignes principales du protectorat, « Mais la tâche à remplir n’en était pas moins considérable : développer la colonisation sans porter atteinte aux droits des indigènes, donner l’impulsion aux grands travaux publics, créer des écoles, préparer la fusion progressive des éléments qui vivent côte à côte en Tunisie, attacher fortement à la France les intérêts et les affections de ce pays telle fut pendant six ans la mission de M. Massicault. Il l’a accomplie avec le plus entier succès.

Son nom restera attaché à cette terre africaine que la France a le légitime orgueil d’élever à un degré supérieur de civilisation et de marquer de l’empreinte de son génie.” Il est un autre nom qui demeurera également lié d’une façon indissoluble à l’œuvre poursuivie par la France en Tunisie, c’est celui du grand évêque, du grand patriote que, quelques jours à peine après M. Massicault, la mort venait frappera son tour. Le cardinal Lavigerie à lui aussi, dans la sphère qui lui était propre, puissamment contribué au développement de l’influence française dans cette partie de l’Afrique du Nord, à laquelle il s’était si vivement attaché, et où il a voulu reposer, sur la colline de Carthage, qui abrite aujourd’hui son tombeau.

CHAPITRE PREMIER

1. GOUVERNEMENT, ADMINISTRATION :

Pendant l’année 1892, l’Administration générale a achevé la réorganisation des circonscriptions administratives.

Cette réforme, dont on a indiqué les grandes lignes dans les deux précédents rapports, avait été ébauchée dès les débuts de notre Protectorat.

A cette époque, le territoire de la Tunisie était divisé en soixante caïdats, les uns d’une étendue exagérée, les autres insignifiants. Une pareille situation entraînait de sérieux inconvénients, et l’un des premiers soins de la nouvelle administration fut d’y porter remède. Toutefois les mesures auxquelles on s’arrêta alors ne pouvaient être que provisoires. La question fut reprise en 1883, au moment de la création du Secrétariat général du Gouvernement tunisien, et la solution en a été, depuis, régulièrement poursuivie.

L’année dernière, sept caïdats ont encore été supprimés.

Aujourd’hui, ce travail de réorganisation peut être considéré comme terminé. Les circonscriptions administratives, qui étaient au nombre de quatre-vingts en 1883, sont réduites à cinquante et une représentant toutes une division territoriale nettement déterminée. Il n’existe plus de caïd administrant des tribus éparses sur toute l’étendue de la Régence ni d’autres échappant plus ou moins, par leur situation, à l’action de l’Administration centrale.

Un tableau présentant les résultats de cette réforme est joint au présent rapport (annexe A).

Pour répondre au vœu émis par la Conférence consultative, une commission a été constituée à l’effet de rechercher les moyens d’introduire le système métrique des poids et mesures en Tunisie. L’Administration beylicale a réclamé, à cette occasion, le concours du Gouvernement français, et le Bureau des prototypes, établi au Conservatoire national des arts et métiers, a été invité à fixer l’équivalence des poids et mesures actuellement en usage dans la Régence avec ceux du système métrique. La détermination de cette équivalence était, en effet, la première mesure à prendre pour préparer la réforme en question.

Un décret du 25 octobre 1892 a mis la législation sur la protection des marques de fabrique en harmonie avec les prescriptions de l’arrangement international du 14 avril 1891.

Au cours de l’année 1892, le Gouvernement tunisien a délivré vingt-cinq brevets d’invention.

L’Administration du Protectorat s’est appliquée à développer les institutions municipales. Des commissions de voirie, chargées de veiller au nettoyage et à l’éclairage des voies publiques, ont été créées à Medjez-el-Bab, à AïnDraham, à Tabarca et, enfin, dans le Sud, à Ksar-Medenine.

Les travaux municipaux les plus considérables sont ceux qui ont pour objet l’alimentation en eau potable des villes de Sfax et de Sousse. A Sfax, les travaux ont été commencés aux frais communs de l’Etat et de la municipalité ; ils seront terminés en 1894.

Sousse, les études pour le captage des eaux de l’Oued Laya ont été poursuivies et les travaux d’exécution seront prochainement entrepris.

Des travaux de voirie importants ont été exécutés à Sousse pour l’aménagement des rues du nouveau quartier européen d’Ardh Ezzella.

La ville du Kef a élevé, à ses frais, une école de garçons, aujourd’hui ouverte.

A Tunis, la municipalité a percé deux boulevards permettant de faire entièrement le tour de la ville arabe. Elle a concédé la construction et l’exploitation de tramways sur ces nouvelles voies.

Avec les fonds de l’emprunt qu’elle a été autorisée, comme l’indiquait le précédent rapport, à contracter en 1891, la municipalité de Tunis a entrepris les travaux de création d’un jardin public aux portes de la ville ; elle a construit tout un réseau d’égouts et une usine élévatoire pour l’évacuation des eaux-vannes.

2. DIRECTION DES RENSEIGNEMENTS ET DES CONTRÔLES – DIRECTION DE L’AGRICULTURE:

A raison du rapide accroissement de la population amené à Bizerte par les travaux du port, et du développement d’affaires qui en résulte, un poste de contrôleur civil suppléant a été créé dans cette ville, par arrêté résidentiel du 5 mai 1892.

Le Gouvernement du Protectorat a mis à l’étude la question du transfèrement à Grombalia du siège du contrôle civil établi, par le décret du 1er novembre 1884, à Nabeul.

Cette dernière localité se trouve en effet à l’une des extrémités de la circonscription dont elle est le chef-lieu. Grombalia occupe, au contraire, une position centrale, ce qui faciliterait dans une large mesure les relations du contrôleur avec ses administrés. Une colonie française déjà importante, et qui semble appelée à s’accroître rapidement, s’est d’ailleurs établie depuis quelque temps dans la région de Grombalia, où l’agriculture, la viticulture et l’élevage rencontrent des conditions particulièrement favorables.

La Direction des renseignements et des contrôles continue de prêter son concours le plus actif à nos négociants et à nos colons.

Pendant l’année 1892, ce service a répondu à environ quatre cents lettres de France contenant des demandes de renseignements sur la Tunisie. En outre, des indications détaillées sur le commerce, la colonisation, l’agriculture, etc., ont été données verbalement à un très grand nombre de Français. Nos compatriotes prennent de plus en plus l’habitude de s4adresser 0 la Direction des renseignements pour être guidés dans leurs premières démarches, lorsqu’ils cherchent à se créer des intérêts dans la Régence ou à s’y établir, et l’Administration du Protectorat, de son côté, s’efforce de répondre aussi exactement et aussi complètement que possible aux demandes qu’elle reçoit à ce sujet.

Le nombre des billets à prix réduit accordés à des immigrants français a été de 326 en 1892 contre 231 l’année précédente. Plus de 9,000 hectares de terres ont été, en 1892, acquis par nos compatriotes (voir annexe B). Ces chiffres montrent que les progrès de la colonisation française se poursuivent dans les conditions les plus satisfaisantes.

  • Colonisation

Jusqu’au commencement de l’année dernière, la Chambre de commerce française de Tunis avait été chargée de représenter, dans toute l’étendue de la Régence, les intérêts commerciaux, industriels et agricoles de nos colons. Cette organisation, suffisante pendant les débuts de notre Protectorat, avait cessé bientôt de répondre aux besoins nouveaux résultant des progrès de la colonisation. D’une part, en effet, les attributions de la Chambre de commerce étaient trop générales, de sorte que certains intérêts, ceux de l’agriculture notamment, en étaient venus, par la force des choses et malgré leur importance, à passer en quelque manière au second plan. D’autre part, les négociants français établis dans le Sud de la Régence, et dont le nombre allait sans cesse grandissant, se trouvaient, par suite de la distance, dans l’impossibilité de se faire représenter d’une façon pratique.

En vue de remédier à ces inconvénients, trois arrêtés résidentiels, en date du 19 mars 1899, ont substitué à la Chambre de commerce unique, créée en 1885, deux chambres de commerce distinctes, l’une, siégeant à Tunis, pour la partie Nord, l’autre, établie à Sousse, pour la partie Sud de la Régence, et une chambre d’agriculture, commune à toute la Tunisie. Chacune des nouvelles chambres de commerce ainsi constituées conserve d’ailleurs, en principe, les mêmes attributions qui étaient autrefois dévolues à l’organisme qu’elles remplacent. Le mode de fonctionnement, les conditions de l’éligibilité et de l’électorat, restent également semblables, sauf quelques modifications de détail. Quant à la Chambre d’agriculture, on a, sous réserve de certains changements commandés par la situation particulière de la Régence, adopté, pour son organisation, les règles posées dans le projet de loi présenté en 1889 à la Chambre des députés, par M. Méline, en vue de la création en France d’institutions analogues. La Chambre d’agriculture étend, comme il vient d’être dit, son action à tout le pays. Il a paru, en effet, que le nombre de Français fixés dans le Sud de la Tunisie et s’adonnant à l’agriculture n’était pas encore assez considérable pour justifier dès maintenant la création d’une seconde Chambre pour cette région.

  • AGRICULTURE:

La récolte de l’année 1899 n’a pas répondu aux espérances qu’on avait semblé tout d’abord en droit de concevoir. Les pluies d’hiver avaient été insuffisantes ; celles du printemps, très abondantes, sont venues trop tard.

Aussi, bien que les surfaces ensemencées en céréales aient été sensiblement les mêmes que l’année précédente, le rendement a seulement atteint, en blé, 620,000 quintaux ; en orge, 592,000; en avoine, 8,000; en maïs, 20,000; en fèves 20,000. Ces chiffres sont, sauf en ce qui concerne le maïs, inférieurs de plus de moitié à ceux de 1891.

La faiblesse de la production agricole s’est traduite par un ralentissement assez marqué du mouvement des exportations. Au 31 décembre 1891, la Tunisie avait exporté 349,065 quintaux de blé et 123,500 quintaux d’orge.

Au 31 décembre 1892, les chiffres sont de 159,573 quintaux pour le blé et de 63,533 quintaux pour l’orge.

La vigne, éprouvée au commencement du mois d’août par six jours de siroco, a également moins donné. Bien que 575 hectares entrés en rapport soient venus se joindre aux 3,745 hectares qui l’étaient déjà l’année dernière, la vendange totale n’a été que de 94,859 hectolitres, en diminution de 10,169 hectolitres sur le total de l’année précédente.

Enfin, la récolte d’huile 1892-1893 paraît avoir donné lieu également à des déceptions. Elle est presque nulle dans le Nord de la Régence. On prévoit un rendement total de 9,617,000 litres seulement, c’est-à-dire un peu plus du quart de la récolte précédente. Mais à raison même de l’abondance de cette dernière, un stock très considérable est resté chez les producteurs et contribuera à maintenir l’exportation à la moyenne normale.

Par contre, la statistique du bétail, effectuée par les soins de l’Administration du Protectorat, a permis de constater que le troupeau tunisien n’avait cessé de progresser d’une manière sensible depuis l’année dernière. Les chiffres relevés ont été respectivement de 51,644 chevaux, 119,606 ânes et mulets, 282,726 bœufs, 1,223,681 moutons, 681,636 chèvres et 122,694 chameaux, présentant tous des augmentations assez notables par rapport aux résultats constatés en 1891.

Les mesures annoncées l’année dernière pour développer la culture de l’olivier dans la région de Sfax ont été mises en vigueur. Un décret beylical du 8 février 1892 a réglé les conditions dans lesquelles les terres domaniales de cette région, dites terres sialines, peuvent être acquises. L’hectare est vendu au prix de 10 francs, payable moitié au moment de la demande et moitié après un délai de quatre ans. Les acheteurs s’engagent à planter le terrain en oliviers dans le délai de quatre années. Au 31 décembre 1892, trente et un Français avaient demandé trente-neuf parcelles représentant une superficie de 18,937 hectares ; cinq étrangers avaient demandé dix parcelles représentant une superficie de 3,780 hectares et trois cent deux indigènes avaient demandé autant de parcelles dont le mesurage n’est pas fait, mais qui paraissent avoir une étendue de 1 0,000 hectares environ. C’est donc, en chiffres ronds, un total de demandes de 33,000 hectares pour la première année, ce qui promet une plantation de 500,000 oliviers.

La Direction de l’agriculture s’est préoccupée, cette année, de l’amélioration des races ovines de la Régence.

D’après les renseignements recueillis par les contrôleurs civils et qui ont été mentionnés plus haut, il existe plus d’un million de moutons en Tunisie. Presque tous appartiennent à l’espèce à grosse queue qui n’est pas acceptée sur le marché français. Cependant une enquête a révélé la présence dans toutes les régions de la Tunisie de petits troupeaux de moutons à queue fine. Les uns ont été introduits par des indigènes de l’Algérie qui ont emmené avec eux leurs bêtes en quittant ce pays ; les autres ont été spontanément introduits par des Tunisiens qui préfèrent le mouton à queue fine à cause de sa rusticité et de sa fécondité sensiblement plus grande. Le fait prouve que le mouton à queue fine est apte à vivre en Tunisie aussi bien qu’en Algérie et que les populations tunisiennes ne sont point rebelles aux innovations quand elles peuvent penser en tirer un avantage.

Deux moyens ont été choisis pour amener la substitution du mouton à queue fine au mouton à grosse queue. L’Etat possède de vastes pâturages dans le Sud. Par arrêté du Premier Ministre, en date du 5 décembre 1892, les moutons à queue fine ont été exemptés du droit de pacage, qui est de 0fr.20 par tête de mouton à grosse queue et par trimestre. D’autre part, l’Administration mettra à la disposition des éleveurs des moutons à queue fine au prix coûtant des marchés algériens. L’Etat prend à sa charge le soin, les frais et les risques du transport. Bien qu’aucune publicité n’ait encore été donnée à cette mesure, plusieurs indigènes ont déjà fait connaître qu’ils étaient disposés à prendre des béliers algériens à titre d’essai.

En présence de l’importance acquise par le vignoble tunisien, le Gouvernement du Protectorat a créé, au commencement de l’année 1892, un service phylloxérique charge spécialement de veiller à l’exécution des mesures de défense édictées pour prévenir l’invasion des maladies cryptogamiques et d’étudier les questions intéressant la viticulture.

D’autre part, les règlements sur le phylloxéra, qui étaient épars dans huit ou neuf lois, décrets et arrêtés différents, ont été l’objet d’une révision d’ensemble. Les dispositions qu’ils contenaient ont été coordonnées et on les a complétées, sur un assez grand nombre de points, pour tenir compte de l’expérience acquise. Les clauses du décret du 9 juillet 1889 relatif à l’organisation d’un syndicat général obligatoire de viticulteurs en Tunisie ont, notamment, été entièrement refondues. Les attributions, le rôle du syndicat ont été précisés.

Enfin, désirant faciliter de la manière la plus large la mise à application des précautions adoptées, le Gouvernement a décidé de prendre à sa charge les frais qu’occasionneraient les mesures de défense au cas où le phylloxéra viendrait à être constaté. Les dispositions dont il s’agit ont fait l’objet d’une loi en date du 29 janvier 1892 et d’un décret du 3 mars suivant. Le premier de ces actes a consacré une autre réforme qui paraît appelée à rendre aux agriculteurs de la Régence les plus utiles services. On sait que, pour prévenir l’invasion des maladies de la vigne, la Tunisie, suivant en cela l’exemple des autres pays viticoles, avait dû interdire en principe l’importation de tous plants, ceps et boutures.

Cette mesure, indispensable pour protéger le vignoble de la Régence, n’en occasionnait pas moins une gêne considérable à nos colons qui ne pouvaient, dans certains cas, se procurer qu’avec les plus grandes difficultés les éléments dont ils avaient besoin pour leurs plantations. En vue de parer à cet inconvénient, le décret susmentionné a décidé la création d’un jardin d’essai où, moyennant certaines formalités et certaines précautions, les végétaux étrangers dont il paraîtrait utile d’essayer l’acclimatement en Tunisie pourront être introduits. Un emplacement d’une trentaine d’hectares a été acquis à deux kilomètres de Tunis, près du parc de la ville, dans l’endroit le plus fréquenté de la banlieue.

Le jardin a été inauguré cette année. On se propose d’y réunir : 1° une collection de toutes les espèces utiles existant dès maintenant dans le pays ; 2° une collection de toutes les espèces étrangères qui peuvent être acclimatées en Tunisie. Une circulaire a été adressée, par les soins du Ministère des affaires étrangères, à nos consuls à l’étranger, pour les inviter à faire parvenir au Gouvernement du Protectorat des plants, boutures, graines ou semences de tous les végétaux cultivés dans leur circonscription et qui paraîtraient de nature à être avantageusement introduits dans la Régence. Un grand nombre d’envois ont déjà été reçus, et tout permet de penser que la Tunisie se trouvera prochainement dotée de toutes les espèces et variétés utiles à nos colons. Le jardin d’essai doit permettre, en outre, de pratiquer des expériences sur les meilleurs procédés à employer pour les diverses cultures du pays, et de recueillir ainsi des indications précieuses pour nos agriculteurs.

Les colons et les indigènes ont envoyé au concours général agricole, tenu au mois d’avril 1892 à Mostaganem, des produits qui ont été très remarqués. La Tunisie a également été invitée à participer au concours général agricole de Paris en 1893. Enfin, l’administration du Protectorat a décidé d’organiser à Tunis, à l’occasion des fêtes qui auront lieu, au printemps de 1893, pour l’inauguration du port, un concours régional auquel les agriculteurs de France el d’Algérie seront d’ailleurs appelés à prendre part.

  • APPLICATION DE LA LOI DU 19 JUILLET 1890.

Les mesures adoptées par l’Administration du Protectorat en vue de l’exécution de la loi du 19 juillet 1890, el dont il a été fait mention dans le précédent rapport, ont donné tous les résultats qu’on en attendait. La mise à application des différentes prescriptions de cette loi s’est poursuivie, pendant l’année 1 892, sans soulever de difficultés d’aucune sorte.

Les heureux effets du nouveau régime douanier continuent au surplus à influer de la manière la plus favorable sur le développement des relations commerciales entre la France et la Tunisie. Il résulte des statistiques de 1892 (voir annexes C, D, E) que, pendant cet exercice, la part de la France dans le commerce extérieur de la Régence a atteint 54 p. 100. En 1307, année pendant laquelle a été promulguée la loi douanière, la France ne figurait que pour 44 p. 100 dans le total des importations et des exportations tunisiennes.

Un décret du Président de la République, en date du 21 septembre 1892, a, par application de l’article 5, § 3, de la loi du 19 juillet 1890, ajouté Tabarka à la liste des localités par où peuvent être expédiées les marchandises tunisiennes admises à bénéficier du régime de faveur édicté par ladite loi. Ce port est devenu, en effet, un centre commercial assez important. Dans la région forestière qu’il dessert, on rencontre des bois et des écorces à tan qui semblent appelés à trouver en France un débouché avantageux. A ces objets s’ajouteront prochainement, quand les opérations de démasclage auront produit leurs résultats, des lièges estimes. Enfin, une petite colonie de pêcheurs français, établie depuis quelque temps dans les environs immédiats de ce point, s’apprête à envoyer dans la métropole les produits de son industrie.

3. CONFÉRENCE CONSULTATIVE:

La Conférence consultative a tenu en 1892 sa session ordinaire d’avril et une session extraordinaire en juillet. La session de novembre a été ajournée par suite de la maladie et de la mort de M. Massicault, Résident général.

L’ordre du jour de la session d’avril comprenait vingt-neuf questions (voir annexe F) auxquelles la Conférence, au moment de commencer ses travaux, a, d’accord avec le Résident général, décidé d’ajouter trois questions nouvelles concernant : 1° l’introduction d’ouvriers et travailleurs français en Tunisie ; 2° la modification du décret du 10 août 1886 sur le tarif des peseurs jurés ; 3° l’extension à la Régence de la loi Griffe.

Les débats ont occupé six séances. Il y a eu sur vingt et une questions entente entre la Conférence et l’Administration ; deux questions ont été renvoyées à la Commission d’études ; quatre autres ont été, d’accord avec le Résident général, ajournées ou transmises au Gouvernement de la métropole ; une question, enfin, a été reportée à une réunion ultérieure comme nécessitant des études trop complexes pour pouvoir être utilement traitée avant la fin de la session.

Parmi les principales questions examinées, il convient de citer, indépendamment des trois propositions mentionnées plus haut, la suppression des droits de douane à l’entrée en France sur certains produits tunisiens; le régime du port d’armes; le fonctionnement de la Caisse d’épargne postale; la création d’une juridiction d’appel; l’extension de la compétence des tribunaux français; l’établissement de champs d’expériences agricoles et viticoles ; la réforme de l’impôt achour sur les céréales et de la dîme sur les huiles; l’attribution de nouvelles ressources aux communes; la perception des taxes et droits arriérés; les chemins de fer; la publication d’une carte géologique de la Régence; l’entreprise, par l’initiative privée, de travaux d’utilité publique; le régime des mines; les ports de Sousse et de Sfax.

La session extraordinaire de juillet a duré deux séances ; elle a été entièrement consacrée à la question des chemins de fer. Le tracé, le mode de construction et d’exploitation du futur réseau ont été l’objet d’un examen approfondi.

CHAPITRE II

1. FINANCES :

  • RÉFORMES FINANCIÈRES :

Le dernier rapport a fait pressentir les heureux résultats de la prise en régie, par la Direction des finances, des monopoles du tabac et du sel.

La situation signalée par ce rapport s’est encore améliorée. Depuis le commencement de l’exploitation, les produits ont suivi une progression constamment ascendante. De toutes les régies organisées par l’Administration du Protectorat, c’est celle qui a donné les meilleurs résultats.

La Direction générale des finances a pris, au cours de l’année 1892, diverses mesures destinées à améliorer le rendement de cette branche importante des revenus publics, tout en procurant de nouveaux avantages et de nouvelles facilités aux consommateurs.

Création de bureaux de vente dans les localités qui en étaient encore dépourvues ; surveillance des débitants en vue d’assurer la bonne conservation et la qualité des produits ; mise en vente de nouvelles variétés à l’usage des Européens et de produits spéciaux préférés des consommateurs indigènes ; amélioration des procédés de fabrication; coopération effective des autorités locales à la répression de la contrebande; renforcement du service de surveillance, tant à l’intérieur que sur les frontières, etc.

On mentionnera, à ce dernier point de vue, la suppression, par le décret du 20 septembre 1892, des bureaux de douane d’El-Hamma et d’El-Oudiane, qui ne répondaient plus aux nécessités actuelles et étaient d’ailleurs trop proches de ceux de Tozeur et de Nefta, ainsi que du bureau de Gafsa, qui se trouvait trop éloigné de la frontière, et leur remplacement par deux nouveaux bureaux établis sur la frontière Ouest.

A la même date, un arrêté du Directeur des finances a transformé plusieurs recettes de douanes en brigades buralistes. Les économies réalisées au moyen de cette double mesure ont permis de renforcer notablement les brigades actives des douanes et des monopoles.

Enfin, depuis le 1er juillet dernier (arrêté du Directeur des finances, en date du 20 avril 1892), la régie des monopoles assure l’approvisionnement à domicile des débitants de la ville de Tunis.

Le décret du 11 novembre 1891 a affranchi du payement des droits de porte et de marché les produits destinés à l’exportation, transitant par la ville de Tunis (à l’exception des laines, peaux et dattes). Ces dispositions, qui favorisent les exportateurs, seront complétées prochainement. L’un des derniers fermages subsistants, celui de la pêche des éponges et des poulpes, a été supprimé en 1 892.

Le décret du 24 avril 1885 soumettait la pêche des éponges et des poulpes à un prélèvement au profit de l’Etat (outre les droits d’exportation) : 1° D’un tiers en nature des éponges débarquées brutes et des poulpes ; 2° D’un quart en nature des éponges débarquées blanches, c’est-à-dire lavées à bord des bateaux de pêche.

Un décret du 16 juin 1892 a remplacé ce prélèvement par un droit fixe de permis de pêche gradué suivant l’importance des bateaux et des engins employés, et représentant environ 18 p. 100 du produit de la pêche (au lieu de 25 et de 33 p. 100, régime antérieur).

Malgré cette réduction considérable, qui profite à la fois aux pêcheurs et aux commerçants d’épongés, le Trésor obtiendra un rendement égal, sinon supérieur à celui de l’ancien régime.

Du 13 juillet au 31 décembre 1892, le produit brut, des nouveaux droits a été de 132,805fr.76. Le prix annuel du dernier fermage était de 121,800fr.

Les rapports des contrôleurs civils constatent que les pêcheurs de toute nationalité sont, en général, satisfaits du nouveau régime, et se bornent à signaler quelques améliorations de détail, qui seront réalisées dès que l’expérience d’une année entière aura permis d’en apprécier l’utilité.

  • IMPÔTS:

La Direction générale des finances continue à réaliser progressivement la suppression des droits d’exportation à mesure que la situation budgétaire le permet.

Le tarif des droits d’exportation qui comprenait, lors de l’installation de la Direction générale des finances, soixante- quatorze articles visant soixante-trois espèces de produits, ne présentait plus, au 1er janvier 1892, que trente-quatre articles et vingt-deux espèces de produits.

Les dégrèvements réalisés sur cette branche d’impôts atteignaient, à la même date, le chiffre de 1,888,791fr.80.

Neuf des produits encore imposés à la sortie ont été affranchis par le décret du 17 mars 1892, savoir : le beurre frais et salé, la cire, le goudron, la graisse, les olives en saumure, les poils de chèvres et de chameaux, les scories, la soude et le tan.

Les résidus de grignons d’olives traités par le sulfure de carbone ont bénéficié de la même mesure.

Cette réforme a eu pour résultat de limiter à treize le nombre des produits encore visés par le tarif des droits d’exportation. (Voir annexes G et H, tableau des droits d’exportation existant en Tunisie avec mention des dégrèvements opérés depuis 1886, et tarif des droits d’exportation en vigueur au 31 décembre 1892.) A ce dégrèvement doit être ajoutée la réduction, opérée par le décret précité, du droit de sortie sur les huiles de grignons.

La fabrication des huiles de grignons est nouvelle en Tunisie. Plusieurs tentatives antérieures avaient échoué.

Les droits d’entrée supportés par les matières premières nécessaires à l’installation et au fonctionnement des usines, joints aux droits d’exportation sur les huiles, plaçaient cette industrie dans des conditions d’infériorité notable vis-à-vis des industries similaires de France et d’Italie. Il était à craindre qu’elle fût abandonnée si ses charges n’étaient allégées.

Le décret du 17 mars, répondant à cette préoccupation, a réduit de 3fr.82 à 1fr.50 les 100 kilo grammes le droit d’exportation sur les huiles de grignons.

Le décret du 20 juin 1884, qui fixe le droit de timbre à percevoir sur les quittances d’impôt, avait établi pour les quittances de la dîme des céréales un tarif proportionnel aux quantités ensemencées.

L’application de ce tarif constituait, en même temps qu’une inégalité (les autres quittances étant sujettes au droit fixe), une véritable surtaxe au principal de la dîme.

Afin de rendre au droit dont il s’agit son véritable caractère, la quotité en a été fixée par le décret du 31 mai 1892 à 0fr.20 par quittance.

En vue d’alléger les charges qui pèsent exclusivement sur la population indigène, un décret du 14 décembre 1892 (25 djoumadi el Aoula 1310) a réduit de 24 à 20fr. la cote annuelle de la Medjba (impôt de capitation).

Le même décret a abaissé de 0fr.30 à 0fr.20 le droit de timbre de la quittance et supprimé le droit de rédaction de 0fr.07 1/2.

Ces réductions et suppressions ne sont applicables qu’à partir du 1er janvier 1894. Toutefois, à titre de transition, la cote de l’année 1893 a été réduite de 24 à 22 francs, ce qui représente un premier dégrèvement d’environ 400,000 francs.

Les dégrèvements ainsi opérés en faveur de la population indigène ont été complétés par la suppression du droit de sceau que percevaient autrefois les caïds à l’occasion de l’établissement de procès-verbaux de contrat en matière civile ou en matière criminelle.

La réorganisation des caïdats étant terminée, ainsi qu’on l’a vu au chapitre Ier, un décret en date du 4 août 1892 a prescrit qu’à partir de 1893, chaque caïd portera sur ses rôles tous les contribuables domiciliés dans son caïdat. Ce même décret complète la réforme inaugurée le 1er janvier 1892, à savoir, l’adoption du calendrier grégorien pour le budget tunisien.

L’impôt de la Medjba était mis en recouvrement le 13 octobre (date du commencement de l’exercice sous l’ancienne organisation). Le décret du 4 août prescrit qu’à partir de 1893, les rôles seront mis en recouvrement le 1er janvier.

On trouvera plus loin (annexes 1 et J) un tableau des dégrèvements ainsi que des abandons de droits consentis par l’Etat au profit des communes, et un état indiquant les principales réformes introduites dans le régime financier de la Tunisie.

  • RÉFORME MONÉTAIRE.

Les opérations de la réforme monétaire dont il a été question dans les rapports de 1890 et de 1891, et qui a eu pour objet de substituer le franc à la piastre comme unité monétaire de la Régence, ont été définitivement closes le 15 septembre 1892.

Toutes les facilités avaient été données aux détenteurs d’anciennes monnaies pour leur en permettre l’échange contre de nouvelles. Notamment, en ce qui concerne les pièces d’or et d’argent, les premiers délais expirés le 15 mars ont été prorogés une première fois jusqu’au 30 avril et ouverts à nouveau du 15 août au 15 septembre. Quant aux monnaies de billon, les demandes des retardataires ont été accueillies à titre officieux jusque dans les premiers jours de novembre. Aussi les contrôleurs civils et les caïds s’accordent-ils à déclarer qu’il ne reste plus de monnaies anciennes dans la Régence.

20 francs en 1892 en Tunisie
20 francs en 1892 en Tunisie

Les anciennes monnaies en piastres retirées de la circulation représentent au total une valeur nominale de 26,065,251fr.91, qui se décompose comme il suit :

Monnaies d’or             22,253,916fr.42
Monnaies d’argent        3,387,729fr.94
Monnaies de billon              3,605fr.55

TOTAL                      26,065,251fr.91

1 Franc de 1892 en Tunisie - Ali Bey
1 Franc de 1892 en Tunisie – Ali Bey

Les monnaies nouvelles en francs frappées jusqu’à ce jour par l’Hôtel des monnaies de Paris représentent :

Pièces d’or, une valeur de                   28,300,000fr.00
Pièces d’argent                          5,941,122fr.00
Pièces de billon                                       672,501fr.56

SOIT UN TOTAL DE                      34,913,623fr.56

Il était généralement admis, avant la réforme monétaire, que les quantités de numéraire en circulation étaient insuffisantes pour les besoins. Cet inconvénient n’existe plus, puisqu’il a été frappé des monnaies nouvelles pour une somme supérieure d’environ 9 millions de francs à la valeur des anciennes monnaies retirées de la circulation.

La frappe se continue et sera poussée pour l’or jusqu’à 29 millions de francs, pour le billon jusqu’à 750,000fr. Quant aux monnaies divisionnaires d’argent, la quantité frappée jusqu’ici est largement suffisante pour les besoins du moment.

Afin de permettre, dans le cas où la nécessité s’en ferait sentir, la frappe de nouvelles monnaies, et notamment de monnaies d’or, il a été ouvert au budget de 1893, sous l’article 8 du chapitre 1er (Direction générale des finances) un crédit de 20,000 francs pour frais de fabrication et de transport de ces monnaies.

La nouvelle monnaie paraît avoir été accueillie favorablement par la population indigène, qui était d’ailleurs déjà familiarisée avec le franc par la circulation que les monnaies de l’Union latine ont toujours eue de fait dans la Régence.

Un décret beylical du 31 août 1892 a décidé que les notaires et les tribunaux devront employer dans leurs actes et jugements les énonciations de sommes en francs et non en piastres, toutes les fois qu’ils n’auront pas à rappeler ou à viser des transactions anciennes. Les instructions administratives tendent, de leur côté, à proscrire toutes les désignations de sommes en piastres.

  • CONVERSION DE LA DETTE TUNISIENNE :

L’année 1892 a été marquée par une nouvelle conversion de la dette tunisienne.

Lorsqu’en 1889, le Gouvernement du Protectorat, mettant à profit l’état prospère de ses finances et l’abaissement général du taux de l’intérêt, a procédé à la conversion de sa dette perpétuelle 4% en une dette amortissable, la question s’était posée de savoir s’il adopterait de prime abord le type des obligations 3%.

Par un sentiment de prudence conforme à ses procédés habituels de gestion, il s’est arrêté au type intermédiaire du 3,5%, mais sans s’aliéner la faculté de profiter de la première occasion favorable pour réduire l’intérêt de sa dette à 3%.

Cette occasion n’a pas tardé à se présenter : les obligations 3,5%, ayant rapidement atteint, puis dépassé de plusieurs points le pair, un décret de S. A. le Bey, du 9 juin 1892, approuvé par la loi française du 25 du même mois, a autorisé la transformation des obligations 3,5% non encore amorties à cette date en 396,386 obligations 3% de 500 francs chacune, amortissables dans un délai maximum de 96 ans par voie de tirages au sort semestriels.

Cette conversion, qui a heureusement réussi et dont les opérations de liquidation touchent à leur fin, a mis à la disposition du Trésor beylical, sans que l’annuité inscrite au budget pour intérêts et amortissement de la dette ait été accrue, des sommes importantes qui doivent être employées en travaux extraordinaires d’intérêt public, concertés entre le Gouvernement tunisien et le Résident général de la République française (article 9 du décret précité du 9 juin 1892).

Il n’est pas inutile d’ajouter que, par le décret du 9 juin 1892, le Gouvernement beylical s’est interdit la faculté de procéder à une nouvelle conversion avant l’année 1902.

  • ANALYSE DES BUDGETS ET DE LA SITUATION FINANCIÈRE.

Le dernier exercice réglé au moment de la rédaction du rapport de 1891 était l’exercice 1307, clos le 12 juin 1891.

Depuis cette époque, l’exercice 1308, définitivement clos le 30 avril 1892, a été réglé à son tour par un décret du 12 septembre 1892. Il s’est soldé par un excédent de ressources propres de 8,270,920 piastres (4,962,000fr.), résultat d’autant plus satisfaisant que, dans les prévisions originaires, l’exercice 1308 devait avoir besoin, pour s’équilibrer, d’une somme de 3,044,000 piastres (1,826,000fr.) prélevées sur le fonds des excédents budgétaires des exercices antérieurs. Cette somme, restée intacte, a accru d’autant l’excédent de l’exercice 1308, qui s’est ainsi trouvé porté à 11,314,920 piastres 19 (6,788,952 francs).

Conformément aux règles nouvelles exposées dans le rapport de 1891, cette dernière somme a été incorporée au fonds des excédents budgétaires (voir l’annexe 0).

L’exercice en cours 1892 paraît devoir se traduire aussi par un excédent de recettes, bien que, comme il a été dit plus haut, la dernière récolte de céréales n’ait pas réalisé les espérances d’abord conçues et que la récolte des huiles ait presque totalement fait défaut cette année.

Dans les prévisions budgétaires du prochain exercice 1893 (annexe N), les recettes ordinaires balancent les dépenses de même nature, et il est prévu, pour l’exécution des travaux extraordinaires et le payement de dépenses exceptionnelles, des prélèvements égaux sur le fonds des excédents budgétaires.

Les prévisions du budget ordinaire ne seront sans doute pas déçues, l’aisance générale de la population permettant d’espérer que les recouvrements ne seront pas inférieurs aux évaluations, surtout si les perspectives d’une bonne récolte de céréales pour 1893 continuent à s’affirmer.

En résumé, après avoir assuré tous ses services ordinaires et acquitté les dépenses de ses travaux extraordinaires jusqu’à la fin de 1893, le Gouvernement du Protectorat a encore, du chef des excédents budgétaires et de la soulte de la conversion de 1892, un solde de ressources important qu’il compte, d’accord avec le Gouvernement français, affecter à ses premières dépenses de travaux de chemin de fer.

L’exécution de ce programme laisse, d’ailleurs, provisoirement intact le fonds de réserve créé par le décret du 21 juillet 1886 ; la situation de ce fonds au 31 décembre 1892 est indiquée dans un tableau joint au présent rapport (annexe P). On trouvera également aux documents annexes :

1 ° Le relevé comparatif, en francs, du rendement des contributions et revenus publics en 1306, en 1307 et pendant les périodes primitive et additionnelle de l’exercice 1308 prolongé (annexe K);

2° Le relevé comparatif, en francs, des dépenses des exercices 1306,1307 et 1308 (annexe L).

En regard des chiffres de chacun de ces relevés, sont inscrites les prévisions des recettes et des dépenses correspondantes de l’exercice 1892;

3° Un tableau synoptique des résultats des règlements des budgets de 1306, 1307 et 1308 (annexe M).

2. DOMAINE DE L’ÉTAT: – BIENS HABOUS.

La reconnaissance des domaines de l’Etat a été poursuivie en 1892. Les descriptions, le mesurage et l’évaluation d’environ 45,000 hectares nouveaux ont été opérés.

Ces travaux ont porté sur un certain nombre de propriétés domaniales détenues à enzel par des tiers. Les droits des enzelistes ont été précisés de manière à rendre disponibles les parties non grevées.

Des lotissements de biens domaniaux, effectués en vue de la vente aux colons urbains de petites propriétés, ont eu lieu dans le voisinage de Tunis. Un décret a concédé à la ville de Sfax des terrains pour l’établissement d’un abattoir et d’un marché aux céréales.

Les améliorations apportées en 1891 au fonctionnement de l’administration des habous, et qui ont été indiquées dans le précédent rapport, ont produit les résultats qu’on en attendait. Sans réduire les dépenses d’assistance publique indigène, lesquelles, comme on le sait, incombent en totalité à la Djemaïa, il a été possible de consacrer des sommes importantes à la réfection d’immeubles urbains qui, faute d’entretien, étaient devenus improductifs. L’administration des habous s’est ainsi créé de nouvelles ressources. Un crédit de 20,000 francs environ a été affecté à la reconnaissance des immeubles ; le nombre des propriétés habous dont le plan a été dressé s’élève aujourd’hui à 1,337.

CHAPITRE III

1. JUSTICE FRANÇAISE

La justice française continue de fonctionner en Tunisie dans les conditions les plus satisfaisantes.

Comme l’année dernière, les affaires soumises à nos tribunaux ont été jugées dans un très bref délai et le nombre des appels est resté peu élevé.

Il est intéressant de signaler la diminution considérable du nombre des accusations soumises au Tribunal criminel de Tunis. Cette juridiction avait jugé :

En 1889                       60 affaires.
En 1890                       40
En 1891                       37

Le nombre des jugements criminels rendus en 1892 n’a été que de 28.

Ce résultat, obtenu malgré l’augmentation progressive et constante dans le pays de la population européenne, qui fournit pourtant le plus grand nombre des accusés, est principalement dû à l’ordre et à la tranquillité que font régner en Tunisie les institutions du Protectorat et à l’aisance qu’y ont développé les conventions douanières inter- venues avec la France. Il doit être attribué aussi au zèle et à l’activité déployés par les officiers de police judiciaire et la gendarmerie.

Le nombre des jugements rendus par le Tribunal de Sousse est en légère diminution.

On trouvera, aux documents annexes, la statistique des jugements prononcés par les tribunaux de Tunis et de Sousse. – (Annexes Q et R.)

Les travaux des juges de paix ont conservé en 1892 la même importance qu’ils avaient acquise les années précédentes. C’est ainsi que le juge de paix du canton sud de Tunis a rendu 1,334 jugements civils et 681 jugements commerciaux ; le juge de paix du canton nord a prononcé 1,889 jugements civils et 1,055 jugements commerciaux.

Pendant la même période, le Tribunal de simple police a statué sur 217 affaires.

Le transfèrement à Grombalia de la justice de paix de Nabeul est à l’étude. Cette mesure paraît justifiée par les mêmes considérations qui ont été indiquées plus haut à propos d’un projet analogue concernant le contrôle civil établi dans la seconde de ces deux localités[1].

L’Administration du Protectorat n’a pas cessé de poursuivre l’amélioration des services pénitentiaires. L’aménagement des locaux de détention déjà existants a été complété.

Les travaux de la prison de Sousse ont été poussés activement et on a entrepris la construction d’un établissement similaire à Kairouan.

2. LOI SUR LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE

On a indiqué dans le précédent rapport les causes pour lesquelles la loi du 1er juillet 1885 n’avait pas donné, dans la pratique, tous les résultats espérés. On a signalé, en même temps, la réunion d’une commission spéciale chargée, sous la présidence du Résident général, d’étudier les réformes à introduire dans le régime de la propriété foncière pour remédier aux inconvénients dont il s’agit.

L’enquête poursuivie à ce sujet a abouti à la promulgation d’une loi tunisienne du 15 mars 1892 et de cinq décrets beylicaux, en date du 16 du même mois. Aux termes de ces actes, l’État doit, désormais, payer directement tous les frais de l’immatriculation. Il se fera rembourser par les intéressés une partie de ces frais, d’après un barème fixe qui permettra aux propriétaires de biens à immatriculer d’apprécier exactement, à l’avance, les dépenses de l’opération. Les chiffres de ce barème ont été établis de manière à laisser à la charge des propriétaires 25% seulement des dépenses d’immatriculation pour les petites propriétés, 50% pour les propriétés moyennes et 75% pour les grandes. Cette combinaison, tout en assurant les intéressés contre les mécomptes auxquels ils étaient exposés avec l’ancien système, atténue donc en outre, dans une très large mesure, les frais de la loi foncière, surtout en faveur de la classe si intéressante des petits et des moyens propriétaires.

Les décrets précités du 16 mars 1892 ont réalisé une autre réforme importante en enlevant au conservateur de la propriété foncière les attributions dont cet agent était autrefois chargé en matière fiscale. Sous le régime de la loi du 1er juillet 1885, le conservateur de la propriété foncière devait, en effet, avant de donner suite à une demande d’immatriculation, exiger la régularisation fiscale de toutes les pièces produites. Il en résultait, dans certains cas, des complications et des frais tels, que les propriétaires préféraient renoncer aux avantages de l’immatriculation. Cette difficulté a été supprimée. Dorénavant, le conservateur recevra les documents produits à l’appui des demandes d’immatriculation sans avoir à s’occuper de la perception des droits qui pourraient être dus pour ces actes. L’immeuble immatriculé n’échappera pas d’ailleurs, pour cela, aux lois fiscales ; mais l’application de ces lois sera poursuivie régulièrement et la procédure d’immatriculation cessera d’en- traîner aucune contrainte à ce sujet.

Enfin l’ensemble des formalités prescrites pour la réquisition d’immatriculation et la production des pièces ont été simplifiées. La procédure a été abrégée. C’est ainsi, par exemple, que les opérations du bornage provisoire effectuées par les soins de l’Administration devront dorénavant être commencées dans les quarante-cinq jours qui suivront l’insertion au Journal officiel de la réquisition d’immatriculation ; sous le régime de la loi du 1er juillet 1885, ce délai était de trois mois. D’autres dispositions ont complété la législation antérieure en ce qui concerne le mode d’extinction des servitudes et la détermination des biens susceptibles d’hypothèques. Le droit de requérir l’immatriculation a été reconnu à plusieurs catégories de personnes qui n’en bénéficiaient pas autrefois : notamment le copropriétaire, le coenzeliste et le créancier hypothécaire non payé. Différentes améliorations, recommandées par l’expérience, ont en même temps été introduites dans l’organisation du service de la conservation foncière et du service topographique, ainsi que dans les attributions des interprètes.

Les effets de ces réformes n’ont pas tardé à se faire sentir.

Depuis le 15 juillet 1886, date à partir de laquelle la loi du 1er juillet 1885 a été appliquée, jusqu’au 21 mars 1892, date de la mise en vigueur du nouveau régime, l’immatriculation avait été demandée pour 196 immeubles représentant une surface approximative de 64,000 hectares.

Du 21 mars au 31 décembre 1892, il a été inscrit à la conservation de la propriété foncière 292 demandes d’immatriculation représentant une surface présumée de 80,000 hectares.

Jusqu’à l’application des derniers décrets, le nombre des demandes d’immatriculation avait été, en moyenne, de 34 par an; il s’est élevé, depuis lors, à 30 par mois.

Des chiffres détaillés sur l’application de la loi foncière ont été réunis dans deux tableaux qui figurent aux documents annexes. — (Annexes S et T.)

CHAPITRE IV
TRAVAUX PUBLICS

  • PONTS ET CHAUSSÉES

1° Service maritime :

— Port de Tunis – Les travaux du port de Tunis se sont poursuivis avec une très grande rapidité. Le bassin de La Goulette est achevé avec ses terrepleins, ainsi que le canal de communication qui le relie à l’ancienne darse.

Le bac à vapeur de la route de Rhadès a été mis en service en septembre 1892. Les dragages du canal et du bassin de Tunis sont terminés. L’éclairage de ce chenal et du bassin, qui doit permettre l’entrée des navires pendant la nuit, est en cours d’installation.

Le service maritime fait procéder aussi à des installations provisoires qui permettront d’ouvrir le port au commerce au printemps de 1893.

On construit, à cet effet, trois appontements dans le bassin pour le service des voyageurs et de leurs bagages, quelques hangars ou bâtiments d’exploitation et un boulevard d’accès qui rejoint la ville à travers les terrains conquis sur le lac. Les marchandises seront provisoirement débarquées sur des chalands qui les transporteront au point de débarquement actuel.

La construction des installations définitives pour le débarquement des marchandises a dû être ajournée à la suite d’un vœu de la Chambre de commerce du Nord de la Tunisie, qui a demandé l’établissement de murs de quai accostables par les grands navires. Cette question est à l’étude.

— Port de Bizerte — Les travaux du port de Bizerte ont été poussés activement. La jetée Nord atteint aujourd’hui 790 mètres de longueur et celle de l’Est est commencée. Le canal est percé jusqu’à la mer et son creusement est très avancé.

Un bac à vapeur a été installé pour assurer les communications interceptées par le canal. Un des anciens canaux est comblé et va être transformé en place publique ; le second va être remblayé.

Une ville se crée sur les terrains voisins du nouveau canal. Une gendarmerie, un contrôle civil et d’autres bâtiments publics s’y élèvent en même temps que des maisons privées déjà nombreuses. Des rues sont tracées et vont être construites. On a décidé en même temps l’exécution d’un réseau d’égouts, à la charge de l’État dans la ville ancienne et payé par la Compagnie du port dans les nouveaux quartiers.

Les routes de pénétration, enfin, s’ouvrent rapidement et sont bordées par les établissements des colons français.

Vingt-cinq kilomètres de ces routes ou pistes ont été entrepris en 1892 et vont être livrés.

La marche des travaux du port et le développement de la ville, comme ses moyens de communication avec l’intérieur, se poursuivent ainsi simultanément.

— Autres ports — Les avant-projets des ports de Sousse et de Sfax ont été approuvés. Les projets définitifs en préparation sont sur le point d’être terminés.

La Direction générale des travaux publics a étudié les moyens d’en assurer l’exécution par voie de concession partielle, à la Chambre de commerce du Sud pour le port de Sousse, et à la municipalité de la ville pour celui de Sfax.

Ces concessions, projetées sur des bases analogues à celles qui ont été préparées pour le port de Tunis, permettraient, sans engager l’avenir ni grever outre mesure le commerce, de limiter les dépenses à la charge de l’Etat.

Les prévisions faites à ce sujet fixeraient à 500,000fr. seulement la dépense qui serait supportée par l’Etat pour le port de Sfax, dont la réalisation paraît facile et prochaine.

A Sousse, où l’abri ne résulte pas, comme à Sfax, de la disposition naturelle des lieux, le concours de l’État ne pourra être aussi restreint. L’exécution des travaux, aussi urgente et utile qu’à Sfax, pourra être un peu retardée par la difficulté que présente l’approvisionnement des enrochements dont les carrières doivent être desservies par la ligne projetée de Sousse à Tunis.

2° Phares et fanaux :

— L’éclairage des côtes Nord de la Tunisie a été entièrement terminé en 1892, ainsi que celui des côtes Sud jusqu’à Sfax. On a commencé, pour la partie du littoral comprise entre ce dernier point et la frontière tripolitaine, l’exécution du programme qui avait été adopté en 1891 sur l’avis de la Commission française des phares, après examen des lieux par une commission nautique ou le Ministère de la marine était représenté.

Le feu de port de Sfax a été mis en service, celui de Gabès est en cours d’exécution et l’appareil du phare de premier ordre projeté à Ras Taguerness va être livré.

Le fonctionnement des feux déjà installés dans la région Nord et celui des bouées lumineuses des bancs de Kerkennah sont restés très satisfaisants.

La construction d’un sémaphore au cap Blanc a été commencée. On a mis à l’étude l’exécution d’un ouvrage analogue près du village d’El Haouaria (cap Bon).

3° Routes et ponts :

L’exécution des voies principales de la Régence a été poursuivie ; 73 kilomètres 500 de routes empierrées ont été ouverts ou sont en voie d’achèvement.

Trente-trois kilomètres ont été entrepris sur la route de Tunis à Sousse, vingt sont déjà livrés ; les treize autres, en construction, forment la dernière lacune de cette route très fréquentée et vont être prochainement terminés.

Vingt-quatre nouveaux kilomètres vont être ouverts sur la route de Tunis au Kef ; les travaux sont terminés, on procède aux cylindrages.

Cinq kilomètres viennent d’être livrés également sur la route de Tunis à Zaghouan, dix sur celle de Sousse à Kairouan et deux sur la route de Sousse à Sfax et Gabès, dans la traversée de Sfax.

Les travaux d’amélioration des pistes, dont le programme avait été tracé l’année dernière et dont l’exécution était déjà commencée, se sont poursuivis activement.

Les passages difficiles ont reçu, sur les pistes principales tout au moins, les améliorations indispensables. Les travaux ont porté sur plus de 120 chemins; ils ont coûté environ 253,000 francs.

Ils ont été conduits par le Service des travaux publics avec le concours de l’autorité militaire et des contrôleur civils pour l’emploi des prestations.

Les prestations indigènes, auxquelles on recourait pour la première fois d’une façon méthodique et générale, ont fourni un appoint notable. Avec leur aide, on a pu, dans la campagne de printemps, la seule dont les résultats soient exactement connus, améliorer 270 kilomètres, dont 34 empierrés.

La campagne d’automne a donné des résultats un peu moins importants, à raison de la plus faible durée des tra- vaux qui doivent nécessairement s’arrêter dès que les pluies rappellent les indigènes à leurs cultures.

Il reste acquis toutefois que la prestation peut donner en Tunisie, malgré la faible densité de la population et ses habitudes nomades, une ressource précieuse.

Son importance, estimée à 120,000 francs, semble avoir atteint près de 100,000 francs dès la première année.

En présence des heureux résultats constatés en 1892, l’Administration a mis à l’étude un projet de décret destiné à généraliser et à réglementer l’emploi des prestations. L’obligation en serait étendue aux Européens et à la totalité des indigènes. Les propriétaires d’animaux de trait seraient également tenus de fournir un certain nombre de journées de travail.

Indépendamment des ouvrages exécutés sous la direction immédiate de l’Administration des travaux publics, les troupes de la brigade ont construit ou amélioré dans la l’é gion Nord et Centre :
1 ° La route du Kef à Souk-el-Djemaa;
2° La route du Kef à Kairouan par Maktar;
3° La route de Téboursouk à Béja-gare ;

Les études de la route de Béja-ville à Ain-Drabam ont été faites. Cette route sera continuée et terminée en 1893.

Dans le commandement militaire de Gabès, les travaux comprennent :

1° La route de Medenine à Zarzis par Aïn-Maïder, où un bordj de refuge a été construit ; cette route nouvelle permet d’éviter la traversée de la Sebkha d’Aïn-Maïder, impraticable par le mauvais temps ;

2° La route de Medenine à Gabès par Ksarkouti et Aram;

Enfin, dans le cercle de Gafsa, les pistes ont été améliorées à l’aide de prestations fournies par les indigènes et des travaux faits par les disciplinaires.

Les améliorations des passages d’eau ont été activement poursuivies. Divers ponts d’une certaine importance ont été entrepris ou livrés; les principaux sont les suivants :

1° Sur la route de Tunis au Kef. — Ponts métalliques des oueds Ahmar (longueur 35 mètres), Siliane (45 mètres), Melah, Medzira et Tessaa. Les culées des trois derniers ont seuls étés terminés.

2° Sur la route du Kef à Tabarca. — Le pont de Souk el-Arba, sur la Medjerdah, travée métallique de 70 mètres d’ouverture, et les ponts des oueds Renaga (35 mètres), Kébir (35 mètres) et Ahmor (20 mètres).

Les maçonneries de ces ouvrages ont été faites en 1891. On a procédé en 1892 à la confection des tabliers métalliques.

3° Sur la route de Béja à Medjez-el-Bab. — Le pont de l’oued Zerga en maçonnerie; les trois arches de ce pont reposent sur des fondations arabes.

4° Sur la route de Tunis à Sousse. — Les ponts des oueds Ced (20 mètres), Khocha (12 mètres) et Gastlaïa (12 mètres).

4° Chemins de fer :

— A la suite des négociations engagées entre le Ministère des travaux publics et la Compagnie Bône-Guelma en vue de réviser le régime de l’exploitation du réseau garanti par la France, le Gouvernement tunisien a été conduit à passer avec cette Compagnie, sous réserve de l’approbation du Gouvernement de la République, deux conventions datées du t2 octobre 1892, pour assurer l’exécution de la ligne de Djédéida à Bizerte, d’une part, et des lignes de Tunis au cap Bon et au Sahel avec embranchements et prolongements, d’autre part.

D’après ces conventions, la Compagnie devra exécuter la ligne de Djédéida à Bizerte à voie normale, moyennant un forfait de 5,600,000 francs. Les travaux devront être terminés dans un délai de deux ans à partir de l’approbation du projet définitif. Le capital pourra être augmenté de 400,000 francs pour travaux complémentaires.

La concession prendra fin le 29 décembre 1979. L’exploitation est faite à forfait, moyennant 1,750 francs par kilomètre exploité, et la moitié de la recette brute, impôt déduit, avec un minimum de 3,500 francs, quelle que soit la recette.

– Les insuffisances de recettes sont entièrement supportées par la Compagnie, mais les excédents, dès qu’il s’en produira, seront d’abord employés à rembourser à la Compagnie les insuffisances supportées par elle, avec intérêt à 4fr. 60%.

Les travaux de cette ligne, que le Gouvernement tunisien s’est engagé vis-à-vis de la Société du port commercial de Bizerte à livrer en fin de l’année 1893, étant urgents, la Compagnie Bône-Guelma a dû être invitée à les entreprendre sans délai ; les projets définitifs viennent d’être soumis au Gouvernement tunisien ; et les entrepreneurs se mettent à l’œuvre.

Le reste du réseau concédé doit être exécuté à voie d’un mètre ; il comprend les lignes suivantes :

1 ° Ligne de Tunis à Sousse par Zaghouan, Bou-Ficha, Enfidaville et Sousse, avec embranchement sur la plaine du Fahs;

2° La ligne de Sousse à Kairouan, se détachant de la ligne précédente près de Kalaa-Kebira et passant par ou près Kroussiah et le camp de Sidi-el-Hani;

3° La ligne de Sousse à Moknine, par ou près M’Saken, avec prolongement éventuel sur Sfax. Cette dernière ligne avait primitivement été concédée à la Société franco-tu- nisienne de transports. Mais cette Société, n’ayant pas rempli les engagements qui lui étaient imposés, a été déclarée déchue par décret du 19 novembre 1892;

4° Une ligne s’embranchant sur la ligne de Tunis à Sousse et aboutissant à Nabeul en passant par le Mornag, le Khanguet, Grombalia et Hammamet ;

5° Une ligne en prolongement de la ligne de Tunis à Hammam-Lif et aboutissant à Menzel-bou-Zalfa en passant par ou près de Fondouk-Djerid et Soliman, avec prolongement éventuel sur Kélibia.

– Le capital de premier établissement a été fixé pour les deux premières lignes à 10,984,580 francs, y compris les frais de transformation de la section de Tunis à Hammam-Lif, construite à voie étroite, et les aménagements nouveaux de la station de Tunis. Pour les autres lignes, ce capital sera fixé d’un commun accord, après approbation du projet définitif. L’évaluation en est fixée provisoirement à 7,220,000 francs.

Le Gouvernement tunisien peut exiger que l’ensemble des lignes soit terminé dans un délai de cinq ans à partir de l’approbation de la convention, mais il se réserve la faculté de retarder la construction de quelques embranchements, ce qui, sans compromettre l’économie générale du réseau, permettra, le cas échéant, de diminuer les charges résultant de l’exécution de ces lignes.

On trouvera aux documents annexes un état de l’exploitation des lignes de chemins de fer concédées à la Compagnie Bône-Guelma, en Tunisie, depuis l’année 1881 jusqu’à l’année 1892 inclus (annexe U).

5° Bâtiments :

— On a terminé, en 1892, un certain nombre de bâtiments commencés en 1891 : gendarmeries, prisons, hôtels des postes à Tunis et à Sfax.

On a entrepris : les contrôles civils de Kairouan et de Bizerte, les prisons de Sousse et de Kairouan, les douanes de Chabet-er-R’bia, Tabarca, Sidi-bou-Salem et Gabès.

Les dépenses se sont élevées à 795,000 francs, dont 445,000 francs affectés à l’entretien et à diverses restaurations ou aménagements.

6° Aménagements d’eau :

— Les travaux d’adduction d’eau des sources de Tebornock et Kelbia à Grombalia, Hammam-Lif et Rhadès sont terminés et vont être mis en service.

A Sousse et à Sfax, on a terminé les travaux des puits de captage, du réservoir et des bâtiments d’exploitation près des puits.

Les projets de la canalisation d’amenée et de la distribution sont dressés. On provoque actuellement les offres des constructeurs pour l’exécution des travaux et l’installation des machines de captage.

Les dépenses restant à faire pour ces deux villes atteignent 640,500 francs.

Elles sont couvertes jusqu’à concurrence de 450,000fr. par le budget de l’Etat. Les crédits nécessaires seront inscrits au budget de 1893.

7° Travaux des villes :

— L’administration s’efforce d’améliorer les centres les plus importants en empierrant les principales rues, en construisant des égouts, des abattoirs.

A Tunis, les égouts sont à peu près terminés ; de grands boulevards ont été ouverts et se construisent avec rapidité.

Il en est de même à Souk-el-Arba où l’on a fait l’empierrement des rues principales, ainsi que les égouts.

A Bizerte et à Gabès, les projets des égouts sont dressés et vont être entrepris ; ils seront terminés en 1893.

A Sousse, les boulevards, les rues se créent ; le quartier européen se développe rapidement ; un grand marché est en construction.

A Kairouan, la rue Saussier, la plus importante de la ville, a été construite ; la distribution d’eau est étendue ; les abords ont été améliorés ; les portes d’entrée principales, étroites et incommodes, sont en voie de réfection. Un abattoir a été construit.

D’autres abattoirs ont été établis à Mahdia, à Monastir. On a entrepris ceux de Gabès et de Tozeur; on va construire celui d’Aïn-Draham.

Une maison d’école a été élevée à Médenine. Des marchés ont été établis à El Biaz (près Kebilli) et à Tatahouine.

On a procédé à la mise en état de la conduite d’eau et du barrage d’Aïn Moularès, ainsi qu’à la réfection du barrage d’El Guettir.

  • SERVICE DE LA POLICE DES PORTS ET DE LA NAVIGATION :

Le service de la police des ports et de la navigation a dû, cette année, organiser la police de la pêche des éponges et poulpes, autrefois affermée, et qu’un décret beylical du 16 juin 1892 a rendue libre, comme il a été dit au chapitre Finances, moyennant certaines redevances payées par chaque bateau de pêche.

Cette transformation a nécessité la construction et l’armement de quatre petits bateaux gardes-pêche pour réprimer la fraude, et l’installation de quelques gardiens à terre.

La surveillance générale est faite par un baliseur à vapeur qui s’en acquitte en même temps que de son service ordinaire.

L’organisation de cette surveillance est à peine terminée, et il n’est pas encore possible d’en apprécier exactement les résultats. On a constaté cependant que les produits perçus par l’Etat atteindraient approximativement, dès la première année, le montant de l’ancien fermage (120,000 francs).

Le trafic des ports continue à se développer dans des conditions très satisfaisantes. Si le mouvement des marchandises a légèrement fléchi, en 1892, à la suite des résultats peu favorables de la dernière récolte, le nombre des navires entrés et sortis s’est élevé, cette année, à 18,818, chiffre qui n’avait pas encore été atteint. Le total des passagers débarqués et embarqués a été, également, très supérieur aux résultats des années précédentes. (Voir, aux documents annexes, la statistique par ports et par nationalités des mouvements des navires dans les ports de la Tunisie pendant l’année 1892, et le tableau du mouvement des navires, marchandises et passagers depuis 18 8 5. — Annexes V, X et Y.)

  • SERVICE DES MINES :

Le Service des mines vient de publier la carte géologique provisoire de la Régence à l’échelle du 100\00′ Une nouvelle mine de zinc, celle du Djebel-Sidi-Ahmed, a été concédée, ce qui porte à 5 le nombre des mines con- cédées et à 3 celui des mines exploitées.

Les forages artésiens dans le Sud ont été poursuivis. Un nouveau puits a été terminé à Zarzis en août 1892.

Son débit atteint 5,000 litres à la minute. Les eaux, quoiqu’assez chargées de sels, sont meilleures que celles des puits ordinaires de la région. Elles sont très bonnes pour les irrigations et les animaux. Celles du premier puits de Zarzis sont déjà utilisées à ces usages.

A Houmt-Adjim, dans l’île de Djerba, on a entrepris un autre puits dont la profondeur atteindra probablement 350 mètres ; sa profondeur actuelle dépasse 120 mètres.

  • SERVICE TOPOGRAPHIQUE :

Une loi et des décrets des 15 et 16 mars 1892 ont, comme on l’a vu plus haut, modifié la loi foncière, en simplifiant les formalités et réduisant les frais d’immatriculation des propriétés. Le nombre des immatriculations a aussitôt presque décuplé.

Le service a pu être assuré cependant par une augmentation convenable de personnel, sans interrompre les autres travaux d’intérêt public en cours : recensement des biens ha bous, plans de villes, immatriculations forestières et de biens domaniaux.

Le Service géographique de l’armée continue la triangulation générale et la carte régulière au 1/50,000e de la Régence. Deux feuilles nouvelles de cette carte, Bizerte et Iskel, ont été publiées en 1892. Les levers sur le terrain ont porté sur deux feuilles dans le Sahel de Sousse. La Section de géodésie a opéré dans la région comprise entre la Medjerdah, Le Kef et Téboursouk. La subvention annuelle versée par le Gouvernement tunisien au Ministère français de la guerre pour l’exécution de la carte va être augmentée, de manière à accélérer l’achèvement du travail.

  • ADMINISTRATION DES FORÊTS :

L’Administration des forêts a fait, en 1892, d’importants travaux. Plus de 600,000 chênes liège ont été démasclés, 200 hectares de tranchées de protection ont été ouverts, 62 kilomètres de chemins et sentiers ont été tracés.

Les dépenses ont, d’ailleurs, été presque entièrement couvertes par les recettes.

Les travaux de récolte du liège de reproduction, poursuivis en 1892 à titre d’essai dans les massifs démasclés en 1884, seront repris en 1894, époque à laquelle les lièges auront atteint une épaisseur suffisante pour les faire rechercher par le commerce.

CHAPITRE V

1. DIRECTION DE L’ENSEIGNEMENT

  1. ENSEIGNEMENT FRANÇAIS :

Le budget de la Direction de l’enseignement a été fixé, pour l’exercice 1893, à la somme de 706,292fr.60.

Aux dépenses de l’Etat, il convient d’ajouter celles que supportent les municipalités (41,372 francs en 1892) et celles qui incombent à l’Administration du collège Sadiki (198,386 francs pour le dernier exercice).

Établissements scolaires de la Régence :

— Six écoles publiques nouvelles ont été ouvertes depuis le mois d’octobre 1891, à Tunis, Kelibia, Médenine et Menzel (Gabès), [écoles laïques de garçons], à Aïn-Mériem (près Bizerte), [école laïque mixte], à Porto-Farina, [école congréganiste de filles].

Le nombre des établissements scolaires français, publics et privés, est actuellement de 92, dont 60 destinés aux garçons, 23 aux filles et 9 mixtes ; 69 de ces établissements sont laïques et 23 congréganistes. Ils se décomposent de la manière suivante :

1° ECOLES PUBLIQUES :

Écoles primaires        de garçons                   52 dont :          45 (LAIQUES)                   7 (CONCANISTES)
        de filles                        20                    10                    10
mixtes                          7                      7                      –

Ecoles secondaires     Lycées et collèges       3 dont :            3                      –
Jeunes filles                 1                      1                      –

                                                TOTAUX                   83                    66                                17

2° ÉCOLES PRIVÉES :

Écoles                         de garçons                   5 dont :            2 (LAIQUES)                      3 (CONCANISTES)
de filles                        2                      1                      1
mixtes                          2                      –                       2

                                                TOTAUX                   9                      3                                  6

Le niveau des études s’élève progressivement dans les divers établissements scolaires.

Un professeur agrégé a été nommé à la chaire de philosophie au lycée Sadiki. Deux répétiteurs généraux licenciés, l’un, pour les lettres, l’autre, pour les sciences, ont été appelés dans cet établissement, ainsi que des répétiteurs bacheliers, dont l’action sur les études sera plus efficace que celle des instituteurs primaires qui avaient, jusqu’à ce jour, assuré le service de la surveillance. Deux professeurs, munis du certificat d’aptitude, ont été chargés de l’enseignement dans les classes élémentaires.

Des cours spéciaux pour la préparation aux écoles des Arts et Métiers ont été organisés au collège Alaoui.

Le personnel de l’école secondaire de jeunes filles a été complété par la nomination de trois nouveaux professeurs, pourvus du certificat d’aptitude à l’enseignement dans les écoles normales. Le succès qu’a obtenu cet établissement dépasse toutes les prévisions. Sa population scolaire atteindra bientôt le chiffre de 300 élèves. Aussi la construction de bâtiments annexes s’impose déjà, pour pouvoir séparer les classes enfantines et élémentaires des classes secondaires.

Des écoles nouvelles ont été bâties au Kef, à Médenine et à Aïn-Mériem.

De nouveaux locaux seront prochainement construits à Medjez-el-Bab, à Béjà, à Maktar, et dans plusieurs localités du Sahel.

La construction d’un groupe scolaire à Bizerte est à l’étude.

Les cours d’adultes faits, l’hiver dernier, dans six localités, ont été fréquentés par 845 auditeurs, dont 361 musulmans, 213 italiens, 115 Israélites, 104 maltais, 51 français et 1 grec.

Les cours publics de langue arabe ont eu, comme les années précédentes, un plein succès. Les cours préparatoires au certificat d’arabe parlé ont été suivis par une moyenne de 20 auditeurs; ceux du brevet élémentaire d’arabe par 18 et ceux du diplôme supérieur par 9. Le nombre total des étudiants qui ont fréquenté régulièrement les cours d’arabe ou qui les ont suivis par correspondance a été de 60.

Les cantines scolaires continuent à donner les meilleurs résultats : 25,023 portions, dont 17,733 gratuites, ont été distribuées durant l’année scolaire 1891-1892. En 1890-1891, le nombre total des portions n’avait été que de 12,000 environ.

Population scolaire :

— Le nombre des élèves s’est accru d’une façon très considérable : Il était, en 1891, de 10,991 ; Il a été, en 1892, de 12,157, dont :

Garçons 8,005
Filles 4,152

L’augmentation est donc de 1,166. Elle n’avait été que de 246 en 1891.

Le nombre des élèves a été :

Dans les écoles publiques       8,946
Dans les écoles privées           3,211

Divisés par nationalités, ces élèves se répartissent ainsi :

Français          1,815
Italiens            1,884
Maltais            1,451
Musulmans     2,842
Israélites         3,999
Divers                166

TOTAL          12,157

Personnel enseignant. – Au mois de juillet 1892, le personnel enseignant des écoles publiques comprenait 25o maîtres ou maîtresses. Le personnel laïque est pourvu des diplômes exigés dans la métropole ; seuls, quelques maîtres ou maîtresses congréganistes, qui exercent depuis très longtemps en Tunisie, ne sont pas brevetés.

Les fonctionnaires de l’enseignement sont français, à l’exception des instituteurs indigènes tunisiens que prépare l’école normale de Tunis. Un professeur de langues vivantes et une institutrice appartiennent à une nationalité étrangère ; cette dernière est pourvue des diplômes réglementaires. Dans 22 écoles laïques, les instituteurs sont chargés d’assurer le service postal et télégraphique.

Examens :

— 311 enfants ont subi les épreuves du certificat d’études primaires; 37 candidats se sont présentés à l’examen du brevet élémentaire et 4 à celui du brevet supérieur. Pour la première fois, un indigène musulman, élève-maître de l’école normale, a été reçu, en Tunisie, au brevet supérieur ; 9 élèves du lycée Sadiki ont été reçus aux baccalauréats ; 24 auditeurs ont subi les épreuves des examens d’arabe.

Bibliothèques :

— Le fonds de la bibliothèque française de Tunis s’est enrichi, cette année, de nombreux ouvrages. Cette bibliothèque a été fréquentée, en 1892, par 2,102 lecteurs, auxquels 6,692 volumes ont été prêtés ou communiqués sur place.

Les bibliothèques populaires de Tunis, Bizerte, Soukel-Arba (Jendouba), Sousse et Sfax continuent à prospérer. Une bibliothèque nouvelle a été créée à La Goulette. Au total, 12,364 volumes ont été prêtés à 7,195 lecteurs.

  1. ENSEIGNEMENT INDIGÈNE :

L’enseignement donné dans les écoles complètement indigènes n’a pas subi de modifications. Les cours faits à la Grande Mosquée de Tunis sont toujours fréquentés par un grand nombre d’étudiants.

Les madrasas, dans lesquelles logent les étudiants viennent d’être réorganisées. La direction de chacune d’elles a été confiée à un professeur stagiaire, chargé de diriger les jeunes gens dans leurs études, de veiller à ce qu’ils suivent assidûment les leçons faites à la Grande Mosquée et de contrôler leur travail et leur conduite.

Un décret beylical a modifié le mode de nomination des professeurs de la Grande Mosquée : ils ne seront désignés, à l’avenir, qu’après avoir subi un concours.

2. SERVICE DES ANTIQUITÉS ET DES ARTS:

Le personnel du Service des antiquités et des arts a été réduit, cette année, par suite de la suppression de la place d’attaché à l’Inspection.

Le budget ordinaire du Service, assuré en totalité par le Gouvernement tunisien, a été, pour l’exercice 1892, de 19,303 francs. Les dépenses comprennent : les traitements du personnel, le loyer et les frais de bureau de l’Inspection, l’entretien du musée Alaoui, les frais de tournées et de fouilles, les transports de toutes les antiquités destinées aux collections du Bardo, l’entretien des monuments historiques de la Régence.

Un crédit extraordinaire de 12,000 francs, ouvert également par le Gouvernement tunisien, a été consacré aux dépenses nécessitées par la participation de la Régence à l’Exposition historique de Madrid.

Le classement des monuments historiques a été continué, cette année, par les soins de l’Inspection. Leur révision méthodique s’est poursuivie et a porté principalement sur les régions méridionales de la Régence, les territoires des contrôles civils de Makthar, du Kef, de Sousse, de Sfax, de Kairouan, de Djerba, de Tozeur.

Un arrêté, mettant près de soixante immeubles sous enquête de classement, a été rendu.

Trois décrets, prononçant le classement de soixante et un immeubles, ont été promulgués.

Le Service continue à tenir la main à l’observation des prescriptions édictées par le décret du 7 mars 1886, en vue de prévenir la dégradation des monuments historiques.

De leur côté, les contrôleurs civils ont assuré, dans les meilleures conditions possibles, la conservation des ruines présentant un intérêt scientifique ou artistique.

Malgré la modicité des ressources dont elle dispose, l’Inspection a pu procéder, dans les ruines de l’antique Curubis (Kourba), à des recherches qui ont amené la découverte de trois mosaïques importantes. D’autres investigations, faites sur divers points du territoire et dues à l’initiative de fonctionnaires, d’officiers, de colons, ont eu également d’heureux résultats. Parmi les trouvailles les plus intéressantes, on citera plusieurs statues de l’époque romaine, une colonne votive, des inscriptions phéniciennes et latines, dont le déchiffrement paraît devoir fournir des renseignements intéressants pour la science.

Le catalogue du Musée du Bardo, annoncé dans le précédent rapport, est sous presse. Le musée a reçu, dans les onze premiers mois de 1892, plus de 4,800 visiteurs. Ses collections archéologiques se sont enrichies de statues et de bas-reliefs, de vases et de statuettes en terre cuite, de mosaïques, de textes épigraphiques néo-puniques et latins.

Les collections d’art arabe, qui commencent seulement à se développer, ont reçu plusieurs inscriptions en caractères koufiques et des panneaux décoratifs anciens composés de carreaux de terre cuite émaillée.

L’Inspection a envoyé à l’Exposition historique de Madrid vingt tableaux, comprenant cinq cents photographies des principaux monuments historiques et artistiques de la Régence. Un catalogue imprimé, dressé par les soins de l’Inspection, accompagnait cet envoi.

CHAPITRES VI

POSTES ET TÉLÉGRAPHES :

La marche progressive du Service des postes et télégraphes de la Régence s’est continuée en 1892.

Deux recettes des postes et treize distributions ont été créées ; de nouveaux courriers ont été mis en activité ; leur trajet est de 650 kilomètres par jour.

Deux bureaux télégraphiques ont été établis dans les nouvelles recettes et une gare a été ouverte au service privé ; des lignes électriques ont été construites pour ces bureaux ; leur longueur est de 75 kilomètres et le développement des conducteurs s’élève à 92 kilomètres.

Le comptage des correspondances postales a fait reconnaître une augmentation de 22% sur les chiffres de l’année précédente. C’est le plus grand accroissement constaté jusqu’à ce jour. Toutes les opérations postales sont en progrès notable. Un accroissement égal se montre dans les recouvrements.

En ce qui concerne les chargements, l’augmentation dépasse 25%. Ainsi que le précédent rapport l’annonçait, l’Office postal a, depuis le 1er janvier 1892, pris charge du service des colis postaux.

Ce trafic est considérable. Il comprend dès maintenant 130,000 colis, nombre presque deux fois supérieur à celui des objets transportés par les Compagnies qui avaient précédemment l’exploitation du service.

Depuis le 1er juillet, le service des colis à 5 kilogrammes a été créé. Des décrets beylicaux ont institué, dans la Régence, le service des colis postaux de valeur déclarée et celui des colis postaux contre remboursement.

Les chiffres exceptionnellement élevés atteints en 1891 par le mouvement télégraphique se sont maintenus cette année.

Les opérations de la Caisse d’épargne continuent à se développer rapidement. Le nombre des opérations a progressé de 51% sur l’année précédente, et leur montant s’est accru de 34%. L’avoir des déposants atteindra, au 31 décembre, 1,700,000 francs, avec une plus-value de 43%.

Le réseau téléphonique Tunis-La Goulette-La Marsa, ouvert le 1er avril 1891 avec 81 abonnés, en a aujourd’hui 131, après un fonctionnement de moins de deux années ; le nombre des conversations ne dépassait pas 225 par jour en 1891 ; il a presque doublé et atteint 400.

Un réseau téléphonique entre Sousse, Monastir, Moknine, Msaken, a été créé et fonctionne avec 23 abonnés. Un décret beylical ayant autorisé l’emploi des fils télégraphiques pour le service téléphonique, des communications ont été livrées entre les deux réseaux de Tunis et de Sousse. Le chiffre des conversations s’élève chaque jour à une dizaine.

Le développement du trafic a eu pour conséquence immédiate une augmentation correspondante des recettes, qui dépassent 889,000 francs. La plus-value sur 1891 est de 163,000 francs. Le produit net se trouve supérieur à celui de l’année dernière de 25%. Il s’élève à 65,000 francs, alors que l’Office postal satisfait aux charges toujours croissantes du service officiel, dont la valeur ne peut s’estimer à moins de 200,000 francs par an.

L’Office a pris possession de l’hôtel que lui a fait construire à Tunis le Gouvernement tunisien. Le public a apprécié les facilités et les commodités que lui procure cette magnifique installation. S. A. le Bey a bien voulu présider, le 14 juillet dernier, la cérémonie d’inauguration.

L’hôtel en construction à Sfax est terminé ; il pourra être occupé vers le 1er avril prochain.

La situation favorable de l’exploitation a déterminé le Gouvernement du Protectorat à abaisser les taxes postales à l’intérieur de la Régence. Le tarif appliqué jusqu’ici paraissait trop élevé aux indigènes, aussi confiaient-ils une partie de leurs correspondances aux muletiers ou charretiers arabes qui s’en chargeaient contre une rétribution de 0fr.10. Les taxes nouvelles seront abaissées précisément à ce chiffre pour les lettres closes et à 0fr.05 pour les cartes à découvert ; il y a donc lieu de croire que tous les transports de correspondances en dehors de la poste prendront fin.

Tout donne à penser que les recettes, après avoir subi une diminution, auront reconquis le chiffre actuel avant deux ans ; l’Etat obtiendra, à partir de cette époque, un bénéfice financier d’une importance notable, en même temps qu’il aura procuré aux habitants de la Régence les profits du tarif postal le plus réduit.

Une mesure analogue sera prochainement appliquée aux correspondances télégraphiques entre la France et la Tunisie.

La pose du câble Marseille- Tunis en sera l’occasion. Cette opération, annoncée dans le précédent rapport, et qui avait été retardée par des difficultés de construction, est actuellement terminée.

Pour en assurer la réalisation, le Gouvernement tunisien, malgré la modicité de ses ressources, n’a pas hésité à contribuer aux dépenses pour une somme de 500,000 francs prélevée sur les bénéfices de la conversion de 1889.

L’entreprise dont il s’agit présente en effet, pour la Régence, un intérêt considérable. Jusqu’ici, ce pays n’était relié à la métropole que par les lignes d’Algérie, souvent encombrées de correspondances, et où parfois, à la suite d’orages ou d’accidents, les communications se trouvaient totalement interrompues pendant plusieurs heures.

Aujourd’hui, ces inconvénients ne sont plus à craindre, et tout permet de penser que l’accélération des transmissions résultant de l’emploi du câble qui vient d’être installé va donner une nouvelle impulsion au développement des relations télégraphiques entre la Tunisie et la France.

Le tableau ci-joint (annexe Z) résume les résultats acquis depuis la création de l’Office postal; il témoigne des progrès accomplis en 1892 et qui dépassent les prévisions les plus larges.

POLICE SANITAIRE :

Les épidémies qui ont éclaté, pendant l’année 1891, dans plusieurs pays avec lesquels la Tunisie entretient des relations, ont amené l’Administration du Protectorat à compléter, sur différents points, les règlements sanitaires en vigueur. Un décret du 7 septembre 1892, a imposé à tout voyageur arrivant par mer, ainsi qu’aux personnes soignant des malades suspects, certaines formalités destinées à prévenir la propagation du fléau ; l’importation des objets susceptibles de servir de véhicules à la contagion était en même temps interdite. Par un second décret, en date du 28 du même mois, le Conseil sanitaire institué en 1885 était réorganisé. Dès sa première séance, cette assemblée confiait à une sous-commission le soin d’examiner la législation appliquée dans la Régence en matière de police sanitaire et d’étudier les modifications que les circonstances paraîtraient comporter.

Cette enquête a abouti à l’adoption de nouvelles mesures, empruntées d’ailleurs, pour la plupart, à la législation française, et qui ont été promulguées au commencement de la présente année.

Grâce à ces dispositions, la Tunisie a pu, sans imposer au commerce de gêne notable, échapper aux épidémies qui sévissaient sur plusieurs points du bassin de la Méditerranée.

Le pèlerinage de La Mecque s’est également effectué dans les meilleures conditions hygiéniques, et aucun cas de maladie contagieuse n’a été signalé. Ce résultat semble devoir être attribué, au moins en partie, aux mesures adoptées en 1891, et dont il a été fait mention dans le précédent rapport. L’Administration du Protectorat continue d’ailleurs de rechercher les améliorations qu’il pourrait convenir d’apporter aux règlements en vigueur à ce sujet. De nouvelles précautions ont été adoptées, dans cet ordre d’idées, pour le pèlerinage de 1893, et il y a lieu d’espérer que ces efforts seront, cette année comme l’année précédente, couronnés de succès.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mon profond respect.

Paris, le 15 avril 1893
Le Ministre des Affaires Etrangères,
JULES DEVELLE.


SOMMAIRE DES DOCUMENTS ANNEXES
=o=

  1. Tableau présentant les résultats de la réorganisation des circonscriptions territoriales de la Tunisie.
  2. Propriétés acquises par des Européens pendant l’année 1892.
  3. Statistique douanière de l’exercice 1892. Exportations avec indication des principaux pays destinataires.
  4. Statistique douanière de l’exercice 1892. Importations avec indication des principaux pays de provenance.
  5. Statistique douanière. Tableau récapitulatif des exportations et des importations pendant l’exercice 1 892.
  6. Ordres du jour de la Conférence Consultative.
  7. Tableau des droits d’exportation et des dégrèvements opérés depuis 1884.
  8. Tarif des droits d’exportation en vigueur au 31 décembre 1892.
  9. Tableau du montant des dégrèvements ainsi que des abandons de droits consentis par l’État au profit des communes (25 novembre 1891-31 décembre 1892).
  10. État des principales réformes et modifications introduites dans le régime financier de la Régence du 25 novembre 1891 au 31 décembre 1892.
  11. Rendement des contributions et revenus publics depuis l’exercice 1306.
  12. Comparaison des budgets des dépenses (exercices 1306, 1307, 1308 et 1892).
  13. Tableau synoptique des résultats des exercices 1306, 1307 et 1308 d’après leurs règlements.
  14. Budget de l’exercice 1893 (recettes et dépenses).
  15. Tableau présentant la situation du fonds constitué par les excédents budgétaires.
  16. Note sur le fonds de réserve.
  17. Statistique des jugements rendus par le tribunal de Tunis.
  18. Statistique des jugements rendus par le tribunal de Sousse.

S-T. Renseignements relatifs à l’application de la loi sur la propriété foncière.

  1. État de l’exploitation des lignes de chemins de fer concédées à la Compagnie BôneGuelma en Tunisie.
  2. Statistique (par ports) des mouvements des navires dans les ports de la Tunisie pendant l’année 1892.
  3. Statistique (par nationalités) des mouvements des navires dans les ports de la Tunisie pendant l’année 1892.
  4. Tableau du mouvement des navires, marchandises et passagers sur le littoral tunisien depuis l’année 1885.
  5. Statistique des Postes et des Télégraphes (1888 à 1892 inclus).

[1] Cette mesure vient d’être réalisée par un décret du Président de la République en date du 9 janvier 1893.

Voir le rapport entier (avec annexes) PDF

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