L’EXPÉDITION FRANÇAISE EN TUNISIE – HISTOIRE

  • 17 janvier 2019
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Tunisie , le Bardo , palais du Bey
17 Jan

PAR ALBERT DE LA BERGE

Le traité du 12 mai a fait de la Tunisie une dépendance de l’Afrique française. Notre drapeau couvre aujourd’hui de ses plis cette magnifique contrée, que son sol, sa race et ses intérêts rattachent à l’Algérie. Si nous sommes sages et constants dans nos desseins, le temps ne pourra que resserrer les liens déjà formés entre les deux pays, et avant cinquante ans la Tunisie sera l’une des régions les plus prospères de l’Afrique et l’une des plus dévouées à la France.

J’appelle être sages et constants dans nos desseins, ne rien céder des droits que nous avons acquis, ne rien demander de plus avant l’heure.

Par ses dispositions géographiques et le caractère paisible de ses habitants, la Tunisie est d’une occupation facile ; par les richesses Minières de son sol, par ses terres d’une fertilité incomparable, elle offre un champ fécond à l’activité de nos capitaux et de nos travailleurs.

Maintenons dans nos rapports avec le bey la vigilance et la fermeté nécessaires, ayons la sagesse d’assurer à la Régence l’administration économe et prévoyante dont elle a besoin, et la conquête de cette seconde Algérie ne coûtera pas un centime à la France, en même temps qu’elle” sera une source d’avantages considérables pour notre commerce et notre industrie.

Mais, pour que cette œuvre d’assimilation s’accomplisse, il faut que notre gouvernement ne soit pas seul à s’en préoccuper. Il importe que nous ne considérions pas seulement la Tunisie comme un poste frontière destiné à couvrir l’Algérie, mais comme une nouvelle terre ouverte au travail national et à la civilisation française. Il importe que nous apprenions à connaître ce pays, à en étudier la complexion et les besoins, à en pressentir les destinées. Nos soldats ont planté notre drapeau sur les forts de Bizerte et du Kef ; nos négociants, nos industriels et nos ‘colons pourront seuls l’affermir et l’enfoncer dans le sol.

C’est en m’inspirant de ces nécessités que j’ai écrit ce livre. Lorsque survinrent les premiers évènements de Tunis, en mars 1881, mon excellent directeur et ami, M. Philippe Jourde, me demanda de rédiger pour les lecteurs du Siècle des articles sur la Tunisie, on même temps que je suivrais dans les colonnes de ce journal les complications diplomatiques qui pourraient survenir : Je me mis immédiatement à la tâche. Aidé des conseils de quelques personnes qui avaient vécu à Tunis, je constituai sur l’heure une bibliothèque d’une quarantaine de volumes, ce qui avait été écrit sur la Tunisie dans ces dernières années en France et à l’étranger. J’y joignis une trentaine d’articles publiés depuis 1860 dans nos divers recueils géographiques et dans les bulletins consulaires ou les publications des Sociétés commerciales de Marseille et de Bordeaux. Puis je dépouillais ce volumineux dossier, en même temps que j’assemblais et collectionnais toutes les nouvelles apportées de Tunisie par les journaux. J’écrivis quelques articles, puis peu à peu mes notes augmentant sans cesse, je vis que j’avais les éléments d’un livre.

J’avais assemblé un nombre considérable de documents. Dans ce champ aussi vaste que touffu la moisson devait être pénible à faire. Il m’a fallu une patience et une prudence extrêmes pour ne point encombrer la gerbe des innombrables tiges d’ivraie que rencontrait la faucille. On n’imagine pas les mensonges pittoresques et les fables charmantes qu’enregistrent volontiers les voyageurs et les correspondants les plus honnêtes ; les informations inexactes, les chiffres fantaisistes qu’ils accueillent sans scrupules ; les descriptions qu’ils tracent de souvenir et qui sont souvent, comme leurs traductions « de belles infidèles ».

Dans le choix que j’ai dû faire, un certain nombre d’erreurs ont nécessairement échappé à un contrôle qui était plus riche de bonne volonté que d’expérience. Elles n’échapperont probablement pas aux personnes qui ont fait partie de l’expédition ou• aux Français qui habitent la Tunisie : je leur serais reconnaissant de me les pardonner et de me les faire connaître.

Ce n’est point la seule indulgence que je réclame de mes lecteurs. Je les prie également de ne chercher aucun mérite littéraire dans ce livre, improvisation jetée sur le papier au milieu de la bataille quotidienne, dans cette fournaise du journalisme où la pensée n’a point le terne de chercher son moule, où l’esprit n’a ni le loisir ni la liberté de contempler et de ciseler son œuvre. Je m’estimerai encore assez heureux si j’ai pu atteindre le but que j’ai poursuivi : donner au public une image nette et fidèle d’un pays qui intéresse aujourd’hui tous les Français, puisqu’il est remis à la garde de nos soldats, et que tôt ou tard ses destinées doivent se confondre avec celles de notre chère France.

Paris, 2 juillet 1881
ALBERT DE LA BERGE

Source gallica.brif.fr / Bibliothèque nationale de France

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