L’ISLAM ET LES CONFRÉRIES RELIGIEUSES

  • 17 janvier 2019
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Tuni vue aérienne avec mosquée
17 Jan

L’Islam

Nous ne voudrions pas paraître prétendre avoir découvert l’Islam, mais ce n’est pas, croyons-nous, émettre une opinion exagérée que de dire que l’Islamisme est peu connu de la généralité des Européens et des Français en particulier. *

Quand on a dit de l’Islamisme qu’il était synonyme d’abrutissement, de sensualisme et de fatalisme on croit avoir tout dit. C’est juger bien vite et hâtons-nous d’ajouter, c’est mal juger.

Le savant Maracci qui a publié en 1668 une traduction latine et une réfutation du Coran disait que Mahomet avait pris dans la religion chrétienne ce qu’il avait pu et que son œuvre correspondait à « tout ce qui nous paraît de plus conforme à la loi et la lumière de la nature. »

Sans aller aussi loin qu’un homme que le fait même d’avoir réfuté les doctrines musulmanes ne doit pourtant pas rendre suspect, il n’est pas moins vrai que sauf quelques rares personnes qui se sont donné la peine d’étudier la chose de près, la plupart de ceux qui attaquent violemment l’Islamisme n’en connaissent à peu près rien.

Les travaux récents des orientalistes et surtout les traductions des livres religieux des Arabes ont fait naître à ce sujet une sorte de réaction. Nous n’avons pas l’intention de faire une œuvre de polémique, nous voulons simplement donner quelques renseignements sur une question dont l’importance ne nous paraît pas suffisamment appréciée. Nous n’entrerons donc dans aucune discussion de doctrine, nous nous bornerons à exposer des fait précis et acceptés.

L’idée principale de l’Islam n’est pas, comme on le pense généralement, une idée d’intolérance et de fanatisme, c’est simplement l’idée théocratique.

Tous les musulmans sont religieux, et par religieux nous entendons dire qu’ils sont des croyants dans l’acception la plus complète de ce mot.

Pour eux, aujourd’hui comme aux premiers temps de l’Islam, le gouvernement n’a jamais dû être que théocratique. Comme le fait justement observer M. Rinn dans son bel ouvrage Marabouts et Khouan auquel nous ferons de nombreux emprunts dans le courant de cette étude, « les premiers souverains musulmans n’étaient ni princes, ni rois, ni chefs, ni juges, ils étaient prêtres et eux-mêmes se nommaient pontifes et vicaires du Prophète. »

L’Imamat universel

Cette théorie qui menait tout droit à celle de l’Imamat universel, c’est-à-dire le gouvernement du monde par le « Khalifa » du prophète, n’a pas cessé d’être celle du monde musulman et elle est aussi vivace aujourd’hui qu’aux premiers jours.

On n’en préconise pas d’autre dans tous les livres religieux des commentateurs, et l’un des catéchismes les plus répandus et les plus appréciés de l’Islam, dû à la plume de l’iman Nedjem Ed-din-Nessafi, qui a réduit en cinquante-huit articles les dogmes fondamentaux de la religion, la formule en ces termes :

Les musulmans doivent être gouvernés par un Iman qui ait le droit et l’autorité :

  • de veiller à l’observation, des préceptes de la loi, de faire exécuter les peines légales, de défendre les frontières,
  • de lever les armées,
  • de percevoir les dîmes fiscales,
  • de réprimer les rebelles et les brigands.
  • de célébrer la prière publique du vendredi et les fêtes du Baïram,
  • de juger les citoyens,
  • de vider les différents qui s’élèvent entre les sujets,
  • d’admettre les preuves juridiques dans les causes litigieuses,
  • de marier les enfants mineurs de l’un et de l’autre sexe qui manquent de tuteurs naturels,
  • de procéder enfin au partage du butin légal.

Les préceptes

Cette théorie professée par tous les docteurs musulmans est d’ailleurs en parfaite concordance avec le Koran lui-même qui dit (IV, 62) : « Soyez soumis à Dieu, au Prophète et à celui d’entre vous qui exerce l’autorité suprême. » Personne dans l’Islam n’a jamais osé se prononcer contre une affirmation du Koran, qu’en arabe on appelle aussi El Kitab, le Livre, c’est-à-dire le livre par excellence et qui renferme la loi civile, criminelle et politique.

Avant d’entrer dans l’examen des idées religieuses et politiques qui ont donné naissance aux ordres religieux, rappelons brièvement que la religion musulmane, essentiellement monothéiste, repose sur la croyance aux trois livres révélés, la Bible, l’Evangile et le Koran. Elle comporte deux grandes divisions : les Sunnites et les Chiites, sans compter les hérétiques comme les Ouahabites et les Mozabites.

Nous ne nous occuperons ici que des Sunnites qui forment l’immense majorité des musulmans d’Afrique et dans le sein duquel on compte quatre rites orthodoxes ne différant entre eux que sur des points sans importance réelle, le rite Malekite, le rite Hanefite, le rite Chafeite et le rite Ilanebalite.

En Algérie et dans le peuple tunisien le rite dominant est le rite malekite. Le Bey de Tunis et en général tous les descendants des Turcs, suivent le rite hanéfite qui est presque spécial aux Ottomans. Le rite chafeite est suivi en Egypte et dans une partie de l’Arabie, le rite hanébalite ne compte guère de sectateurs que dans les Indes et la Chine.

Le Clergé musulman

Le clergé musulman se divise en clergé officiel et on clergé indépendant. Nous laisserons de côté dans ce travail le rôle du clergé officiel, chargé simplement de l’entretien des mosquées et du service du cuite. Ce rôle est assez effacé d’ailleurs et l’influence des Mofti et des Iman est sans aucune portée sur les membres des confréries religieuses.

Le clergé indépendant se subdivise lui-même en deux catégories, celle qui n’appartient à aucune congrégation et celle qui relève des chefs des confréries.

Les premiers sont connus sous le nom de marabouts du mot arabe mêrâboh (religieux). Il en est de toutes les classes, depuis le marabout de grande famille qui jouit d’une influence considérable jusqu’aux pauvres diables qui vivent de la charité publique et s’abritent comme ils peuvent près des tombeaux vénérés de leurs ancêtres.

Les Zaouia

La qualité de marabout est, en effet, une sorte de noblesse religieuse qui ne s’acquiert que par droit de naissance. Il en résulte que des tribus entières sont composées de marabouts, quand tous leurs membres descendent d’un ancêtre auquel on a décerné ce titre, comme par exemple les Ouled-Sidi-Cheikh.

L’enseignement religieux et la propagande se font dans des établissements connus sous le nom de zaouia et qui peuvent dépendre, soit du clergé officiel, soit de marabouts, soit des congrégations.

La zaouia rappelle les monastères chrétiens du Moyen-Age. Elle abrite les marabouts ou les chefs de confréries qui l’habitent d’ordinaire, et aussi des étudiants, des pèlerins, des malheureux sans asile, des voyageurs. La zaouia est entretenue, d’abord par la fortune personnelle des marabouts quand ils en ont, et ensuite par les quêtes faites dans le voisinage («mm) et les offrandes (ouada) consacrées par les pèlerins à la mémoire du fondateur de la pieuse institution.

Les marabouts des familles de noblesse religieuse n’ont, en général, qu’une influence purement personnelle. Ils se sont quelquefois mis en opposition avec nous en Algérie, surtout dans les premières années de l’occupation ; mais depuis déjà longtemps, ils vivent en paix avec l’autorité française et plusieurs d’entre eux ont reçu des distinctions honorifiques pour des actes de dévouement en notre faveur.

Il nous reste à étudier le rôle de cette seconde partie du monde religieux musulman, indépendant de toute attache officielle, et qui est sous la direction des confréries.

Le Spiritualisme musulman

Mais auparavant, qu’il nous soit permis d’indiquer, par une brève analyse de l’histoire de la fondation des confréries musulmanes, un côté de l’Islamisme qui paraîtra en contradiction avec les idées généralement admises en Europe, où on suppose la religion musulmane comme tout imprégnée d’un matérialisme grossier.

Dès les premières années de l’Hégire et durant la vie même de Mahomet, les plus fervents de ses compagnons avaient fondé une sorte de confrérie religieuse libre, ayant pour idéal le soufisme.

Le Soufisme

Le soufisme est « la recherche par l’exercice de la vie contemplative et les pratiques pieuses, d’un état de pureté morale et de spiritualisme assez parfait pour permettre à l’âme des rapports plus directs avec la divinité.»[1]

Cette première association fut l’origine de tous les ordres religieux qui se sont organisés dans le monde musulman.

Depuis les Seddikya, fondés la première année de l’Hégire par Abou-Beker, qui fut plus tard le successeur du prophète et le premier kalife, jusqu’aux Snoussya, fondés en 1835, on compte à peu près quatre-vingts à quatre-vingt-dix de ces confréries. Il s’en est même établi quelques-unes ces dernières années, principalement au Maroc ; mais ces nouvelles venues n’ont pu acquérir encore d’importance sérieuse.

Nous avons dit que les membres de la première des confréries musulmanes avaient été les compagnons du Prophète. Toutes les autres confréries qui se sont fondées par la suite ont tenu à se rattacher, elles aussi, au Prophète, afin d’affirmer leur orthodoxie. Aucun des fondateurs n’a négligé la précaution indispensable de dresser la série de tous les saints docteurs dont il avait emprunté la doctrine en en faisant remonter la liste jusqu’à Mahomet lui-même. Tous ont tenu à s’incliner devant la « Tradition » que les prescriptions musulmanes ordonnent de vénérer et à laquelle tout fidèle doit obéir en suivant ses pratiques « sans donner dans les innovations ».

Après avoir affirmé la pureté de leur doctrine en citant la « chaîne » (Selselat) de leurs autorités, les fondateurs d’ordre religieux ont tous tenu à affirmer leur soumission aux principes fondamentaux de la religion, principes que l’on admet être au nombre de cinq et dont voici le résumé :

  1. Craignez Dieu au plus profond de votre cœur, et que cette crainte guide vos actions ; car elle est le principe de tout bien et tout est fondé sur elle. Elle vous commande de vous méfier de vos passions qui, en vous entraînant vers l’abîme des iniquités, engendrent la haine, l’envie, l’orgueil, l’avarice, enfin tous les vices qui ont leur siège dans le cœur. Toutes les parties de votre corps, tout ce qui exprime vos passions sera dompté chez vous par la crainte de Dieu.
  2. Conformez-vous à la Sonna, c’est-à-dire imitez en toute chose mes actions; car celui qui s’y conformera me donnera des preuves de son amour, et celui qui y dérogera ne sera point considéré comme musulman.
  3. N’ayez pour les créatures ni amour ni haine, ne préférez pas celui qui vous donne à celui qui ne vous donne pas. L’amour ou la haine détourne l’homme de ses devoirs envers la Divinité ; vous n’avez qu’un cœur, s’il est occupé par les choses terrestres, que restera-t-ii à Dieu?
  4. Contentez-vous de ce que le Créateur vous donne en partage, ne vous affligez pas s’il vous prive d’une partie de vos richesses, ou s’il vous accable de maux ; ne vous réjouissez pas s’il augmente votre bien-être ou s’il vous fait jouir d’une bonne santé.
  5. Attribuez tout à Dieu, parce que tout vient de lui ; que votre résignation soit telle que, si le Mal et le Bien étaient transformés en chevaux et qu’on vous les offrit pour monture, vous n’éprouviez aucune hésitation à vous élancer sur le premier venu, sans chercher quel est celui du mal ou celui du bien. Tous deux venant de Dieu, vous n’avez pas de choix à faire.

Tous les fondateurs et tous ceux qui leur ont succédé dans la direction des ordres religieux, ont affirmé hautement leur fidélité à ces cinq commandements qui sont vénérés, surtout par ce motif que les théories qu’ils renferment formaient, d’après la Tradition, les principaux sujets des conversations du Prophète avec ses disciples.

Les Confréries

Une fois ces principes admis et leur orthodoxie dûment constatée, les chefs d’ordre religieux y ont ajouté une initiation, une série de pieuses pratiques destinées à amener le fidèle dans la bonne voie, et la récitation de certaines prières (Dikr).

Plusieurs ordres admettent divers degrés dans la sagesse, degrés auxquels on s’élève progressivement en suivant les prescriptions spéciales à chaque confrérie. Le dernier de ces degrés est à ce point sublime, disent-ils, et l’âme qui y parvient est tellement imprégnée de Dieu, qu’elle perd non-seulement le sentiment de son individualité, mais même celui de son absorption en Dieu. On peut comparer ce degré suprême de la piété au Nirvana des Indiens.

On le voit, les théories qui ont présidé à la création des confréries religieuses islamites sont bien loin de l’idée qu’on se fait généralement du matérialisme musulman. Il est peu de religions, au contraire où le spiritualisme arrive à de pareilles hauteurs et tourne aussi, rapidement au mysticisme.

Il va sans dire que la profonde ignorance et la grossièreté native de bon nombre des adeptes des confréries les met complètement en dehors de ces théories abstraites et pour la plupart d’entre eux, tout se résume dans certains usages extérieurs et la récitation des prières prescrites.

Leur organisation

Sauf quelques rares exceptions, l’organisation des confréries musulmanes est la suivante :

A la tête, un chef désigné généralement d’avance par le chef qui l’a précédé, mais qui souvent aussi est élu par les cheikhs de la seconde catégorie qui portent le nom de Moqaddem.

Les moqaddem sont nommés par le chef de l’ordre, mais presque toujours sur la présentation des affiliés (Khouan). Les moqaddem sont porteurs d’un brevet spécial constatant leur situation et contenant en outre les principaux renseignements sur les pratiques de la confrérie. Los moqaddem sont chargés de la direction des zaouia de la congrégation, ils y font fonctions de professeurs pour les étudiants, d’initiateurs pour les aspirants et de chefs pour les affiliés. Viennent ensuite les khouan ou simples affiliés.

Chaque année se tient un grand Conseil, la plupart des moqaddem se rendent auprès du chef de l’ordre pour y traiter les questions intéressant la confrérie. C’est une sorte de concile spécial qui n’est pas sans analogie avec ce qui se passe, non seulement dans la plupart des ordres religieux chrétiens, mais aussi dans presque toutes les associations. A son retour de la réunion des chefs, chaque moqaddem réunit ses khouan et leur fait part des instructions qui lui ont été confiées. Il profite généralement de cette réunion pour adresser un appel à la générosité de ses coreligionnaires.

Ce sont les moqaddem qui procèdent aux initiations, accompagnées presque toujours de diverses cérémonies réglées par un rituel spécial. On lit des prières, on procède aux exercices prescrits par le règlement, et on fait connaître à l’initié le dikr ou prière particulière à l’ordre, les obligations qu’il contracte vis-à-vis de ses frères et les prescriptions auxquelles il sera soumis désormais.

Plusieurs officiers français ont été initiés dans différents ordres religieux musulmans et quelques-uns d’entre eux ont même obtenu des grades élevés. Il nous a été assuré par des hommes de la parole desquels nous ne saurions douter, que ceux de ces officiers qui appartenaient à la franc-maçonnerie avaient obtenu des facilités toutes particulières pour leur initiation.

Ajoutons que les ordres qui ont accepté des français dans leurs rangs, sont généralement ceux qui s’occupent le moins de politique. Les congrégations importantes, à ce dernier point de vue, sont exclusivement composées de musulmans. Bien plus, on nous a certifié que ces initiations de chrétiens étaient plus apparentes que réelles, et comme beaucoup de celles qui se pratiquent dans la franc-maçonnerie, ne mettaient pas le récipiendaire au courant du véritable but de la confrérie.

La solidarité qui unit les khouan entre eux est aussi réelle qu’apparente. Le mot khouan signifie frère, il est employé particulièrement en Afrique. Dans l’Asie mineure et dans l’Asie centrale on se sert souvent du mot Derviche pour désigner les affiliés aux congrégations religieuses. Dans l’Inde on emploie le mot Fakir. Le mot Kalender bien qu’il s’applique plus particulièrement à une secte spéciale, celle des Kalenderya ou Melamya est également employé pour désigner les religieux errants. Les chefs appellent leurs khouan, AïJiab, ce qui signifie compagnon.

Les Khouan

Les khouan se doivent donc de se traiter comme des frères et ils professent en effet les uns pour les autres une affection et un dévouement qui vont jusqu’aux plus extrêmes limites. On peut presque dire que tout ce que possède un khouan appartient à ses frères et qu’en revanche il peut compter sur eux en tout et partout. Ces sentiments sont soigneusement entretenus par les chefs qui emploient pour arriver à ce but tous les moyens et particulièrement la prière en commun le plus fréquemment possible, et des exercices religieux souvent et régulièrement répétés.

Le plus important de ces exercices est le Dikr ou Zikr, c’est-à-dire la récitation de l’oraison spéciale de la congrégation. Le mot oraison n’est peut-être pas rigoureusement exact, car la plupart du temps le dikr consiste simplement dans la récitation d’une phrase ou d’un passage du Koran ou même la répétition d’un mot. Le passage du Koran sert quelquefois de signe de reconnaissance entre khouan qui se rencontrent. Le premier récite le premier verset, le second reprend le second et ainsi de suite jusqu’à la fin de la citation.

Quelques-unes de ces citations doivent se répéter jusqu’à deux et trois mille fois chaque jour, le khouan les compte au moyen de son chapelet, et on peut se figurer l’état d’esprit où arrive un homme qui a récité trois mille fois de suite une même phrase, et habituellement à haute voix, car certains mots doivent être prononcés avec une intonation spéciale. Il résulte de ce régime, que ceux qui y sont soumis longtemps en arrivent à un certain degré d’hypnotisme qui les prédispose aux hallucinations et aux rêveries religieuses les plus intenses. Il faut croire que les moqaddem et les chefs d’ordres cherchent à arriver à ce résultat, car ils surveillent avec attention l’observation de la récitation du dikr.

Les khouan n’ont pas que la récitation de prières déterminées pour se reconnaître entre eux ; ils emploient bien d’autres moyens. Vêtements, usage de certaines couleurs, signes, attouchements, manière de prier, de porter le chapelet, le turban, la ceinture, tout leur sert de procédé de reconnaissance, et sous ce rapport ils ont fait preuve d’autant d’imagination au moins que les associations religieuses et politiques de la vieille Europe.

Les Khouan et la politique

Avant de passer rapidement en revue les ordres principaux de l’Afrique septentrionale, il serait opportun d’examiner quels résultats politiques, l’Islam peut en tirer en faveur de ses projets.

Bien que le clergé régulier, surtout à Constantinople, ait souvent attaqué les ordres religieux et même obtenu des sultans des persécutions contre leurs adhérents, les confréries ont presque toujours fini par triompher. Aujourd’hui plus que jamais, elles ont de l’importance, surtout depuis que certaines d’entre elles ont entrepris de réaliser le rêve musulman, l’Imamat universel. Ce sont les congrégations religieuses qui ont chassé les anglais du Soudan, et ce premier succès a eu un retentissement dans le monde mahométan, dont on ne s’est peut-être pas assez inquiété et dont on verra quelque jour les terribles conséquences.

Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu en Algérie, depuis la conquête, à combattre une insurrection inspirée uniquement par l’idée religieuse. Certainement des chefs insurgés, des marabouts ont prêché contre nous la guerre sainte, ils ont été suivis par un certain nombre de moqaddem et de khouan; mais nous n’avons jamais trouvé devant nous une levée en masse. La raison en est que toutes les rebellions qui se sont produites avaient pour mobile un intérêt personnel qui froissait d’autres intérêts. Il n’y aura péril pour nos colonies africaines que le jour où elles seront menacées par un adversaire qui, comme les premiers khalifes, sera le plus pauvre de ses frères et qui ne’ verra dans le but de la guerre sainte que le triomphe d’Allah et non la satisfaction de sa vanité ou de ses passions.

Auteur: Marc Fournel
Extrait de son livre: La Tunisie – le christianisme & l’Islam dans l’Afrique septentrionale – 1880

Source: https://gallica.bnf.fr – Bibliothèque nationale de France


[1] Rinn. — Marabouts et khouan, ch. III.

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